On dit que rien n’arrive par accident, on se prend parfois la réalité en pleine figure, et parfois, elle s’impose lentement à nous, malgré tout nos efforts pour l’ignorer...

elliot & mads

Une semaine déjà est passée depuis… ce que je pourrais nommer l’incident. Ou la révélation. Mais ça sonne terriblement trop twilight. Mon frère m’a emmené voir ce film au cinéma il y a un moment déjà. Oui mon petit frère trouve twilight trop génial. Et Wendy ne pouvait pas l’accompagner. Alors j’ai dû m’y coller. J’ai failli m’endormir devant… Sans compter que les personnages ne sont même pas intéressants. Et tu parles d’une révélation. Apprendre qu’ils sont vampires, et qu’elle tombe amoureuse de lui, alors que l’autre loup-garou est amoureux d’elle… C’est un cliché. Mais euh… ce n’est pas de ça à la base que je parlais. J’ai passé toute la matinée à me creuser la cervelle pour savoir comment annoncer à Luke qu’il allait rencontrer son père. Officiellement. Autrement qu’en observant ses fesses sur le point de sauter d’une fenêtre de l’hôpital. Oh mon dieu cette situation était… dramatiquement éprouvante ! Je sais que Luke s’en est remis, il n’en a même pas rêvé. Mais moi… je ne pensais que ça me ferait un tel choc d’annoncer à Elliot qu’on a… eu un enfant… ensembles. Même de le penser ça rend la chose bizarre. Et le pire ? C’est que la nuit qui a suivie, j’ai rêvé des fesses d’Elliot. Non ce n’était pas un rêve étrange dans lequel ses fesses parlaient, ou que sais-je encore… En fait, je… hm, j’ai rêvé de lui… Oh, il était nu c’est vrai. Et dans ma douche. Et puis… Ce n’était qu’un rêve pas la peine d’en faire tout un foin, ça ne veut rien dire les rêves de toute façon ! Enfin ça ne veut jamais dire ce qu’on croit ce que ça veut dire. Rêver de lui pourrait très bien signifier que… je vais m’acheter une nouvelle paire de chaussures ! Même rêver de lui nu. Exactement ! Oh mon dieu… Mais qu’est-ce que je raconte ? C’est horrible ! Enfin pas… lui mais… le rêve. Quoi que le rêve en lui-même était… AHHH NON ! Cette situation va me rendre dingue. Je vais perdre la tête. Je vais devenir barge. Virer folle. On va devoir m’enfermer. Et qui va s’occuper d’Elliot ? EUH DE LUKE !!! Oh non, ce lapsus… CE N’EST ABSOLUMENT PAS RÉVÉLATEUR !!! C’est juste que je pensais à lui la seconde précédente, c’est tout à fait légitime. Et puis je ne me fais pas de soucis pour lui, il vit bien encore chez ses parents… Mais mon Luke. Personne ne sait qui est son père. Excepté Théo. Et probablement Wendy maintenant. Ça va vite faire le tour. Il va falloir que je l’annonce à maman ! Si elle l’apprend de quelqu’un que moi, je signe mon arrêt de mort. Elle va encore me faire la morale, tout ça… pendant des heures. Et je ne veux pas entendre ça. J’ai déjà suffisamment à penser pour me torturer l’esprit. Quant à papa, il voudra à tout prix rencontrer "l’heureux élu" alors qu’il y a aucun élu, et encore moins d’heureux ! Le seul content dans l’histoire, c’est Luke parce qu’on va au parc et qu’il adore aller là-bas pour les jeux. Je suis foutue… je me suis mise moi-même dans cette merde. J’ai moi-même proposer à Elliot ce rendez-vous, j’ai accepté qu’il rencontre officiellement son… fils, j’ai accepté qu’il apprenne à le connaître… j’ai accepté qu’il entre dans sa vie. Suis-je assez bête pour vraiment penser que je ne le recroiserai jamais et que j’arriverai à le virer définitivement de ma vie et de celle de Luke ? Je suis vraiment stupide comme nana.

J’ai même appelé Théo pour qu’il me vienne en aide. Mais lui, tout ce qu’il a trouvé à me dire, c’est de se vanter qu’il le savait, que ça finirait par se savoir, blablabla. Théo si je cherchais vraiment une leçon de morale, j’aurai appelé maman. Or, là, je cherche… non pas du réconfort, car je pense être tombée au plus bas, mais des mots pour m’aider à annoncer à mon fils qu’il a un père. Moi qui ne lui en ai jamais parlé… Je lui ai toujours caché cette partie de sa vie. Je ne peux pas lui dire "Luke, chéri, on va aller voir ton papa au parc." Je ne veux pas le choquer à vie ce pauvre enfant. Et être obligée de dépenser tout mon salaire en psychanalyse juvénile. Quoi qu’à mon avis, le psychiatre se ferait un grand plaisir de m’étudier aussi. Quelle femme décide de cacher son enfant du père de ce dernier ? Ce n’est pas très sain. Oui et bien s’il connaissait Elliot il comprendrait ! De quel droit me juge-t-il ? Il faut que je me calme. Je m’énerve contre moi-même pensant à un psychologue que je ne rencontrerai probablement jamais. Rien ne va plus. Ferme les yeux et réfléchis. Luke – père – douche – fesses – ON ROUVRE LES YEUX ! Sors-toi ces images de la tête bon sang Madeline ! Rien ne va plus. Bon, je vais prendre mon courage à deux mains et espérer que Luke comprendra… un petit peu.

« Mon bébé, tu viens me voir ? » Je suis assise sur le canapé, et il arrive en courant. Il faut que je lui coupe les cheveux, ça lui tombe devant les yeux bientôt il ne verra plus rien. Le seul problème… c’est qu’il ne veut pas. Il aime ses cheveux comme ça. Je ne vais pas le forcer. Je vais attendre qu’il réclame, que ses cheveux le gênent. Mais c’est vrai que lorsqu’il coure, on dirait qu’il va s’envoler… grâce à ses cheveux. Je souris à cette pensée. Mon petit trésor, mon petit mec. Je le prends dans mes bras et lui ébouriffe les cheveux, je commence à le chatouiller. Il éclate de rire, je le renverse sur le canapé. « Attaque de bisous ! » « Naaaan ! » Il hurle de rire. Et j’attaque ! Avec mes bisous. Sur ses joues, sur son nez, sur son front, sur ses yeux, sur son ventre et prfffft. Je fais le truc qui chatouille atrocement. « Arrête mamaaannnn ! » Il rigole tellement fort qu’il en devient tout rouge. Je le lâche. Je suis moi aussi presque au bord des larmes à force de rire. Il se laisse rouler sur le côté pour se relever, et repousse ses cheveux avec ses mains. « Et ben moi j’fais attaque d’guilis ! » Oh non ! Et il se jette sur moi en plus pour m’attaquer ! « Aaaah ! » Noooon c’est une torture, je suis trop chatouilleuse. Je l’attrape, une main sous sa tête, l’autre sous ses jambes, et le fais décoller pour le porter en sac à patates sur mes épaules. « Tu es mon prisonnier maintenant ! » « Naan ahahahahahahahahah !! » L’entendre rire me réchauffe le cœur. Il n’y a pas plus belle musique au monde que le rire de mon enfant. Je finis par le reprendre correctement dans mes bras et l’embrasse sur le front. « Je t’aime fort, tu le sais ? » Il passe ses petits bras autour de mon cou et hoche la tête. « Moi aussi, grooooos comme un éléphant ! » « Et moi encore plus gros que ça, gros comme un mammouth ! » Il rigole et secoue son petit nez. Le maintenant sous les fesses, je mets à danser avec lui. Comme je le fais souvent. Et woouuuh, on tourne, on tourne, on tourne ! Il rit, et en redemande encore. Je tourne à nouveau, jusqu’à tomber sur le canapé. Luke se blottit dans mes bras. J’ai une relation très fusionnelle avec mon fils, personne ne pourra me retirer ça. Il est vraiment… ce que j’ai de plus précieux. « Tu sais qu’on va au parc tout à l’heure ? » « Oui ! » Je lui caresse les cheveux. « On va y aller avec quelqu’un. » Comment lui annoncer ça ? « C’est qui ? » Je souffle. « Tu te souviens du monsieur, hm… du monsieur de l’hôpital ? » Il se redresse et avec un grand sourire me dit : « Celui qui voulait sauter les fesses à l’air ? » Dit comme ça, je ne peux m’empêcher de pouffer de rire. « Oui tout à fait, celui qui voulait sauter les fesses à l’air, ahah. » « Cool ! » J’ouvre grand les yeux. « Vraiment ? » « Tu crois qu’il va encore avoir les fesses à l’air ? » Je me pince les lèvres et me retiens de sourire. Il ne vaut mieux pas non, je n’espère pas, pas dans un lieu public. Et puis… arrêtons de parler de ses fesses, ce n’est pas bon pour moi. Pour ma… mon… stop. « Non trésor, il sera habillé. » « Il jouera avec nous ? » J’hoche la tête. « C’est possible… tu lui demanderas ? » « Oui ! » Il commence à s’exciter. « Mais trésor… » Il me regarde avec ses grands yeux émerveillés. « Je dois te dire quelque chose à propos de ce monsieur… c’est… comment te dire ça ? Moi je suis ta maman, tu sais pourquoi ? » « Ben oui, parce que t’es ma maman et que t’es la plus belle et la plus géniale ! » Je souris et l’embrasse. Il est terriblement adorable. « Cet après-midi on va aller voir… ton papa. » Il ouvre grand les yeux et la bouche. Ne me fais pas une crise d’angoisse, je t’en prie, pas de crise d’angoisse. « OH TROP BIEN TROP GENIAL MON PAPA ?! TROP SUPER ! WOUHOOOUUUUH ! » Il saute de mes bras, saute sur le canapé comme un petit fou. Si bien que je suis obligée de lui rappeler qu’on ne saute pas sur le canapé. Il descend de là, et se met à courir partout dans l’appartement jusqu’à sa chambre, en hurlant que c’est super trop génial. Et bien… je crois que c’est assez bien passé… ?

« Luke, on y va mon trésor ! » Il courre dans tout le salon depuis un quart d’heure, si bien que j’ai du mal à lui faire enfiler ses chaussures et son manteau. Quand enfin j’ai réussi à nous préparer tous les deux, je l’ai pris dans mes bras et on a quitté l’appartement. « On va d’abord chercher… » « MON PAPA ! » Je me suis contentée d’hocher la tête. Ça me fait vraiment trop bizarre de dire ça. De donner le nom "papa" à Elliot. Personne ne l’imagine papa ! Personne. …Je ne m’imaginais pas non plus maman, et surtout pas mère célibataire. J’installe Luke dans la voiture, dans son siège-auto et l’attache. Et puis je fais le détour jusqu’à chez Elliot, à l’adresse qu’il m’a donné. C’est… pas mal comme maison. La maison de ses parents, c’est vrai. Et… le voilà qui arrive. Il s’installe à côté de moi, me lance un de ses sourires gênés et mal à l’aise, jette un coup d’œil derrière. C’est bien, je crois que le seul qui n’est pas tendu ici, c’est Luke. Ah que j’aimerai être une enfant à nouveau ! Dans la fleur de l’insouciance ! « On va où ? » Je regarde Luke dans mon rétroviseur intérieur. « Je t’ai déjà dit trésor, au parc. » « Et on est bientôt arrivés… ? » Je tourne la tête vers Elliot et lui lance un regard de désarroi total. C’est qui le gosse ici ? Dans quoi je me suis encore fourrée… ? « Quoi je demande, oh regarde un arbre. » Je soupire et lève les yeux au ciel. Je suis avec deux gosses en fait. Seulement il n’existe aucun siège taille enfant pour Elliot. Déjà qu’il est obligé de plier les jambes dans ma voiture à l’avant, même en ayant reculé le siège à fond. Il est vraiment grand. Est-ce que Luke sera aussi grand ? … Rien que cette pensée marque le début de l’enfer. Je suis vraiment en train de le comparer à… à son père… J’ai vraiment trop de mal avec ça, cette étiquette.

J’entre sur le parking près du parc et me gare sur une place libre, pas trop loin de l’entrée. J’ai eu de la chance sur ce coup. Luke tape dans ses mains et essaye même de se détacher. Ce qu’il peut être impatient par moments ! « Calme-toi, laisse-moi te détacher. Et reste près de moi, il y a des voitures. » Je lui prends tout de même la main par mesure de sécurité. « Vous venez ici souvent ? » A ton avis ? Il y a une aire de jeux pour les enfants, évidemment qu’on vient ici souvent. De plus, Ellie a dans l’idée que les papas célibataires sont sexys alors… OH MON DIEU ! Je me rappelle qu’au mariage de Théo et Wendy, elle m’a dit qu’elle trouvait Elliot sexy ! Et… il est papa… célibataire ! Il est célibataire n’est-ce pas ? Il l’est ou… oh puis qu’importe. Qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Non mais tout de même, je ne veux pas que mon fils se retrouve affublé de n’importe quelle belle-mère ! Il va sérieusement falloir évoquer le sujet. Et le tenir éloigné d’Ellie. C’est juste que je ne l’imagine pas en belle-maman de mon bébé. Oui, juste pour ça. Je fais le tour de la voiture avec Luke que j’ai finalement pris dans mes bras et… je trouve un Elliot qui fait ses étirements. Alors je sais que ma voiture pour lui est petite, mais tout de même, n’exagérons rien. Je ne sais pas trop si je me retrouve à froncer ou hausser les sourcils, peut être un peu des deux. Mais j’entends Luke qui pouffe de rire. « C’est sympa par ici, je devrais m’arrêter plus souvent. D’habitude j’y passe à vélo. » Maintenant que nous sommes entrés dans le parc, je pose Luke par terre. « Tu pédales ? » « Assez je suis un champion, je pédale aussi vite que Sonic cours. » Luke est totalement accroché aux mots d’Elliot. La référence au champion et encore ce Sonic, c’est sur qu’il gagne toute son admiration. « Tu veux que j’te montre un jeu marrant à faire ici ? » J’esquisse un petit sourire, que je masque presque aussitôt. Luke lui prend la main, et tous deux partent en courant vers le toboggan. Je les observe de loin, mais je les suis tranquillement. Luke est vraiment tout petit à côté d’Elliot. Vraiment minuscule, une crevette. Et puis mon regard dévie de mon contrôle et s’arrête sur Elliot. Ce jeans lui fait vraiment de belles fesses… OHLA ! Je secoue la tête et me reprend. Hm, je vais rejoindre mon fils.

« … Plus on arrivait vite et plus on allait aussi vite que la lumière. » Je ne sais pas ce que lui raconte Elliot, mais Luke est totalement envoûté. « Tu veux essayer ? » Pas de réponse, mais il est déjà partit en courant vers l’échelle du toboggan. Elliot me regarde. Je ne dis rien. Je ne saurais même pas quoi dire. Et puis, il semblait raconter une histoire intéressante ? Je suis curieuse de voir ce que c’est exactement ce jeu. « Bon je compte jusqu’à trois, et rappelle-toi tu es un voyageur de l’espace. Lorsque tu seras en bas, tu vas arriver dans un nouveau monde. Prêt ? » « Prêêêêêt ! » Je souris en baissant la tête un petit instant, avant de regarder de nouveau mon fils. Il a un immense sourire peint sur le visage. « Trois… DEUX… UN DECOLAAAAAGE. » Luke se laisse glisser, et avant même d’arriver au bas du toboggan, Elliot l’attrape et le fait décoller. « Voiuaaaaaaaaaaaaaaaa ! » Je les regarde en souriant. Je… je découvre vraiment Elliot sous un jour nouveau. « Attention nous allons entrer dans une zone de turbulences, attachez bien vos ceintures. » Je me pince les lèvres, me mord même la langue. J’ai envie de rire, mais je ne sais pas. Il le fait descendre, et monter, comme les manèges pour enfants. Ils passent près de moi. Les cheveux de Luke volent au vent. Il est heureux, vraiment. « Aaaaaaaaah un faucon, vite il faut qu’on aille se cacher. » Il dépose Luke au sol et lui montre quelque chose. Evidemment, moi je me retourne pour voir de quoi il parle. Où ça un faucon ? « Tous aux abris » Aah ! Il m’attrape la main, je ne m’y attendais pas. Mais je le suis. Et puis « Oh… » et puis on tombe. On tombe et… Comment on a fait pour tomber comme ça ? Moi par terre… lui sur moi ? Lui sur moi ? Oh mon dieu… comme dans mon rêve… euh non, que dis-je ?! Je n’ai rien dit !

Je n’ose même plus bouger. En fait, je crois que… je suis perdue. Il était question de quoi déjà ? Un faucon ? Ou… je ne sais plus. Il a les yeux marron… avec un peu de vert. Je n’avais jamais remarqué ça avant. « Euh je… » Hm… Je remonte une de mes mains et la pose contre son torse. C’est étrange, pourquoi est-ce que je me sens toute… bizarre là, quand il me regarde comme ça ? « MAMAN LE FAUCON ! » Oh oui le faucon c’est vrai ! Je le repousse doucement. « Il… Je suis désolée… Tu veux bien… Je… » Je n’avais encore jamais perdu mes mots comme ça face à lui, auparavant. C’est très troublant. Que se passe-t-il ? Elliot se redresse et me tend la main pour m’aider. Il me tire tellement fort que je me retrouve propulsée contre lui. Oh… il est musclé. Enfin je veux dire… Le faucon ! Oui le faucon ! Il faut fuir le faucon ! « VIIIITE ! » Je me retourne et lance un sourire à Luke. La prochaine fois je ne mets pas de talons, ça m’empêche de courir. La prochaine fois que quoi d’ailleurs ? Que je viens ici. Pour sur. « Vite, tu l’as entendu ? » J’attrape Elliot par la main et l’emmène avec moi sous le toboggan, près de Luke. « Il faut faire super attention au faucon, ou alors il va nous attaquer et nous capturer et le général Zorg va tous vouloir nous faire prisonnier et puis là alors il va… » Luke continue de parler, de nous raconter son invasion extra-terrestre fauconienne. Je repousse mes cheveux derrière mon oreille, et relève la tête pour regarder Elliot. Il me sourit. Et je me sens… toute… étrange… comme papillonnante. C’est étrange. Et surtout… je me retrouve à lui sourire aussi. D’un sourire sincère. « Maman t’as entendu ? Le Zorg arrive ! » « Le quoi chéri ? » Désolée je n’écoutais pas, j’étais trop perdue par le sourire de… j’ai été totalement distraite par Elliot. C’est lui le faucon !

On dit que rien n’arrive par accident, on se prend parfois la réalité en pleine figure, et parfois, elle s’impose lentement à nous, malgré tout nos efforts pour l’ignorer...

elliot & mads

J’ai appréhendé cette rencontre toute la journée. Et comment tout ceci allait se passer ? Et si Elliot fait une connerie ? Et s’il dit quelque chose qui blesse mon fils ? Ou si… ou si… je ne sais pas. J’ai tellement de mauvais scénarios en tête que tout se mélange, se bouscule et plus rien n’est clair à présent. Même en les regardant s’éloigner, main dans la main, j’ai peur que quelque chose aille de travers. Luke est tellement heureux d’enfin rencontrer son papa – même s’il ne semble pas évaluer l’ampleur de la situation, ce qui est normal pour un enfant de presque trois ans – je crains qu’il ne soit déçu. Elliot est tellement… tellement immature. Il le laisse paraître en tout cas. Alors c’est sur que mentalement, ils sont la même longueur d’ondes. Il a presque le même âge que Luke. Mais c’est ça le problème. Il n’attend pas un copain, il veut un père. Des copains, il peut s’en faire tous les jours à l’école. Un père, il n’en trouvera qu’un. Je ne pensais vraiment pas avoir mon premier enfant de la sorte. Avec un type grossier, immature, qui ne prend rien au sérieux. Et le lui cacher, puis lui apprendre deux ans plus tard en lui balançant la nouvelle sur un coup de tête. Je me demande encore ce qu’il m’a pris de lui lancer ça. « Elliot, tu as un fils. » Il a cru que je blaguais, il a essayé de suicider. De sauter par la fenêtre ! Jamais je n’aurai cru qu’il en arriverait là ! Il… il devrait peut être aller voir un psychologue ? Pour s’assurer qu’il ne recommencera pas ? C’est inquiétant… Enfin, c’est surtout pour Luke que je m’inquiète. Je ne veux pas qu’il grandisse dans le deuil. Mais qu’est-ce que je raconte ? Si ça se trouve, Elliot va complètement feindre ses responsabilités et s’envoler. Et de toute façon, il n’a aucune responsabilité ! Je ne l’oblige à rien. J’ai su m’occuper de mon fils pendant deux ans toute seule, et à merveille. Pourquoi est-ce que ça devrait changer ? Pff… c’est horrible. Je me passe une main dans les cheveux, et les rejoint près du toboggan. Elliot est apparemment partit dans une histoire qui captive totalement Luke. Ses yeux brillent, il a un grand sourire sur le visage, il est pendu aux lèvres de son… oui, de son père. Oh c’est tellement bizarre ! Je crois que jamais je ne m’y ferai. Et lui non plus, probablement. Je vois à la tête d’Elliot qu’il n’est pas trop sur de ce qu’il fait. Il me jette même quelques regards pour voir ma réaction. Mais je ne dis rien, je ne fais rien. Luke est heureux, ça me va. Je n’interviendrai que si tu le mets en danger. Et là, tu peux être sûre que je ne te louperai pas ! Je suis comme les mamans lionnes, je n’hésite pas à mordre et griffer si on touche à mon bébé.

« Bon je compte jusqu’à trois, et rappelle-toi tu es un voyageur de l’espace. Lorsque tu seras en bas, tu vas arriver dans un nouveau monde. Prêt ? » « Prêêêêêt ! » L’espace, les cosmonautes, les extraterrestres, les vaisseaux spatiaux, les planètes… c’est quelque chose qui captive totalement Luke. Il a même ce jouet qu’il affectionne presque autant que son doudou. Le cosmonaute de Toy Story, Buzz l’éclair. Vers l’infini et l’au-delà ! Luke s’amuse toujours à répéter cette phrase. Théo se prenait pour Superman, Luke se prend pour Buzz l’éclair. Les garçons, au final, sont tous les mêmes. Ils admirent toujours un super costaud, avec une barbichette ridicule, et surtout, des mecs moches. C’est un comble ! Même Blanche-Neige est moins ridicule que Superman. Et pourtant ! Ils feraient un bon duo ces deux là… Et pourquoi est-ce que je pense à ça ? Il faut que j’arrête de divaguer comme ça. « Trois… DEUX… UN DECOLAAAAAGE. » Elliot le réceptionne juste avant que Luke ne touche le sol. J’entends le rire de Luke qui se disperse dans l’air, autour de moi. « Attention nous allons entrer dans une zone de turbulences, attachez bien vos ceintures. » Elliot est tellement grand, que Luke doit réellement avoir l’impression de s’être envolé et d’avoir quitté la terre ferme. Il le tient bien ? Qu’il ne le lâche pas par mégarde et que Luke me fasse un vol plané avant d’aller se… MADS ! Sors ces images horribles de ta tête ! Elliot le tient bien, et rien n’arrivera à ton fils. Il est entre de bonnes mains. Je n’arrive pas à croire que je pense ça. « Aaaaaaaaah un faucon, vite il faut qu’on aille se cacher. Tous aux abris ! » Luke part en courant pour se cacher. Et je me fais emporter par Elliot. Ce n’est pas chose facile de courir en talons. Encore moins quand… « Oh… » … quand on se fait emporter dans une chute.

Bon sang… La dernière fois que je me suis retrouvée dans une telle position avec Elliot, ça devait être… il y a deux ans. Environ. Est-ce seulement moi, ou l’air se réchauffe par ici ? « Euh je… » Il faudrait qu’on se relève. C’est… ce n’est pas approprié dans un tel endroit. Il a vraiment des yeux magnifiques. « MAMAN LE FAUCON ! » Luke ! Mon sauveur ! Oui ! « Il… Je suis désolée… Tu veux bien… Je… » Elliot se relève, et il m’aide à mon tour. Hm, la situation est vraiment gênante. « J’suis désolé j’ai dû trébucher et puis tu sais j’suis assez gauche, fin désolé. Si tu as quelque chose d’abimé ou autre tu le mets sur ma note. » Je ne peux m’empêcher de laisser échapper un rire. Plus un… gloussement de rire. De quelle note est-ce qu’il parle ? « VIIIITE ! » Je sors de ma torpeur, mais que ferai-je sans mon enfant ? Je crois que j’aurai déjà succombé… Non, je dis des bêtises ! Enfin c’est quand même déjà arrivé une fois… Mais j’étais sous l’emprise de l’alcool ! Pourtant je n’ai rien bu là, et je ne peux m’empêcher de lui trouver du charme… MAIS QU’EST-CE QU’IL M’ARRIVE ??? Je me fous une claque mentalement. Mentalement, parce que si je me claque vraiment, ça va paraître bizarre.

« Vite, tu l’as entendu ? » Très vite on rejoint Luke. C’est exiguë ici… Pour Luke non, mais pour nous ça manque de place. « Il faut faire super attention au faucon, ou alors il va nous attaquer et nous capturer et le général Zorg va tous vouloir nous faire prisonnier et puis là alors il va… » J’essaye toujours de prêter attention aux histoires de Luke. Même si parfois cela s’avère difficile parce que ça dure pendant un quart d’heure, que ça n’a ni queue ni tête. Mais je fais toujours un effort. Mais à ce moment précis… Je plaide coupable. Je n’écoute plus du tout mon fils. Je ne pense même pas à ce qu’il dit. Je sais qu’il est là. Mais je suis… captivée, attirée, je ne sais pas exactement… La présence d’Elliot me chamboule. Lui et son regard marron-vert. Et son petit sourire de travers, comme tordu, mais adorable. Adorable ? Ai-je bien dit que je le trouve adorable ? Lui, Elliot ? C’est vraiment plus qu’étrange ce qui m’arrive… et pourtant. Je me dois de l’admettre. Il est loin de l’homme hideux que j’essaye toujours de m’imaginer. Ellie tuerait pour m’entendre dire ça ! M’entendre dire que non je ne le trouve pas moche, et que oui, il est même plutôt pas mal. Elle tuerait même simplement pour nous voir assis sous ce toboggan avec notre fils. Notre fils… Ça prend une toute nouvelle ampleur de le dire comme ça. Ce n’est plus mon fils, et le fils d’Elliot. Non… C’est notre fils. « Maman t’as entendu ? Le Zorg arrive ! » « Le quoi chéri ? » Je suis désolée trésor, je ne t’ai pas écouté. « Zorg est le père de Buzz tu savais Luke ? En plus d’être le super méchant qui compte détruire toute la galaxie il est le papa de Buzz ! Seulement voilà ! Aujourd’hui Zorg ne peut rien contre nous et tu sais pourquoi ? » Je me mords la lèvre et le regarde d’un air… médusé. S’il y avait une quelconque magie sous ce toboggan, elle s’est totalement envolée. Vers l’infini et l’au-delà même, je dirais. Zorg, Buzz… mais quand on lui demande d’être à l’heure ou de ne pondre un compte rendu détaillé du développement d’un jeu, il n’y a plus personne, plus d’Elliot. C’est fou… Cela dit, je comprends pourquoi il travaille dans les jeux. C’est totalement son univers. Pas le mien, moi je ne fais que superviser et les guider. Mais on ne parle pas boulot, on ne pense pas boulot.

« Car nous détenons un trésor ET surtout une arme top secrété. Seul un vrai ranger est capable de s’en servir. Es-tu un vrai ranger de l’espace ? » Un ranger de l’espace ? Qu’est-ce que c’est encore que ce truc ? Oh serait-ce les petits bonhommes verts qui répètent toujours la même phrase en boucle ? Je les trouve adorables ceux-là, vraiment trognons et tordants ! Je ne sais pas pourquoi, mais ils me font toujours penser à Théo. Immédiatement, Luke se relève (heureusement qu’il le peut lui) et pose sa main sur son front comme le lui a montré papa. Oui ils ont regardé McGyver il y a deux semaines… Entre ça, Dora et Buzz l’éclair… La télé va vraiment abrutit mon fils. Je dirai que Dora c’est quand même plus intelligent que McGyver. Parce que construire une arme nucléaire à partir d’un sèche-cheveux… je suis désolée mais non ! Mon sèche-cheveux est incapable de ça ! Ils ont sacrément bu dans cette série quand ils ont écrit les scénarios. « Ouiiii ! » « Bien soldat et bien je te fais chevalier de la table ronde de l’espace. Tu vas pouvoir te servir de cette arme. Qui se trouve sur… cette princesse de la galaxie vulcaine. » Elliot me désigne moi. Je suis une princesse ? Je me mets à sourire en baissant la tête. C’est plutôt flatteur. Bien que j’ignore ce qu’est la galaxie vulcaine. Sont-ils verts ou rouges ? Être bleu doit être amusant, cela dit. Et j’aimerai bien pouvoir passer à travers les murs. Avec des cheveux rouges. Je regarde trop les dessins animés avec mon fils, je dois être en train de faire un mélange de plusieurs personnages que j’ai vu. Les schtroumpfs, Ariel la petite sirène, x-men… Enfin non ça, ce sont des dessins animés que moi je regardais étant plus jeune. Luke ne connaît pas tout ça. C’est bien dommage.

« Maman c’est toi qu’a l’arme donne, donne. » Je regarde Luke en haussant les sourcils. Il connaît parfaitement ce regard. « S’teuplait ? » Je lui souris. Le problème mon chéri, c’est que je n’ai pas d’arme sur moi. « Attention la princesse ne donne pas l’arme aussi facilement, il faut user de tout son charme et surtout, je dis bien surtout ! Du pouvoir des chatouilles. » Quoi ? J’ouvre de grands yeux. Oh non ! Pas ça ! PAS ÇA ! Luke connaît trop bien les chatouilles, et surtout il sait combien j’en suis sensible ! Instinct de survie, je commence à reculer aussi que je le peux en étant assise. Pitié non ! Aaaah, ils se jettent tous les deux sur moi comme des vautours ! « AAAAAH AHAHAH, AHAHAH, AHAHAH !! » Je me retrouve à me rouler par terre en hurlant à qui veut l’entendre de s’arrêter, que c’est une torture, et pourtant je suis morte de rire. Elliot se relève, je pleurs presque de rire. Je supporte des tas de choses ! Mais les guilis… ça je ne peux pas, j’y suis trop sensible !

Finalement Luke me libère de l’emprise des guilis. Je suis carrément allongée par terre. Dans le sable ? Dans le sable. Ah je vais être belle tiens… « Je l’ai. » Qu’est-ce qu’il a ? Je me redresse et m’assois en soufflant. Ma chaussure ? Ben voyons. Bon il est vrai que pour avoir déjà donné des coups de talons (et pour ma défense c’était amplement mérité) ça fait mal. Je secoue mes cheveux et les remet un minimum en place. C’est horrible, je suis essoufflée comme si j’avais couru, mais en fait on m’a juste infligé la pire torture du monde. Elliot, je me vengerai. « Tu es un véritable champion, je ne m’attendais pas à ce que tu battes la princesse aussi facilement. C’est une coriace d’ordinaire. » Je plisse les yeux et fronce le nez en regardant Elliot. Tiens, le v’là mon regard de coriace ! Non mais les chatouilles c’est mon talon d’Achille. « Prochaine étape ! Le marchand de glace mais avant ! Il faut qu’on fasse la course jusqu’au château qui est là bas. » Mais… et ma chaussure ? Hé attends, il ne va pas courir avec un talon dans la main ? C’est comme courir avec des ciseaux et s’il se fait mal ? « Et la princesse ? » « T’en fais pas je m’en occupe. » Ah bon ? Elliot se tourne vers moi et me tend la main. Oh ? « Si son altesse me fait assez confiance, je lui propose un autre carrosse royal. » Je ne peux m’empêcher de sourire et de passer ma main sur mon visage pour dégager mes cheveux qui retombent. « Ce serait avec grand plaisir. Étant donné qu’on m’a totalement dépourvu de mon arme, qui est aussi mon moyen de me déplacer. » Luke brandit fièrement ma chaussure en faisant une petite danse de la victoire. Ce qui finit de me faire rire. J’attrape la main d’Elliot qui m’aide à me relever. « Juste un instant. » Je ne le lâche pas pour garder un appui, et je retire ma seconde chaussure. A ce stade, ce serait idiot de se balader en clopinant. « Oh donne maman, deux armes, suis super trop puissant ! » Il me prend la chaussure et commence à courir. « Luke fais attention ! ET NE RENTRE PAS DANS LE CHÂTEAU GONFLABLE AVEC LES CHAUSSURES ! » Je me hisse sur la pointe des pieds tout en criant. « … Et n’abîme pas mes beautés. » Terminais-je sur un ton presque désespéré qu’il n’entendit pas. Mes précieuses chaussures.

Je me tourne vers Elliot. Hm, il est encore plus grand maintenant. Je souris. « Ce carrosse alors ? » Il sourit aussi et se passe une main dans les cheveux. « Je pensais que t’allais refuser. » « Je suis pieds nus. Et puis une princesse ne se déplace pas sans son carrosse. Surtout une princesse vul… vul… vulquoi déjà ? » Il se met à rire, ce qui me fait rire aussi. « La princesse de la galaxie vulcaine. » C’est bien la première fois que je me sens… proche de lui. Je veux dire… on arrive à s’entendre. On arrive même à rire ensembles. « Si son altesse veut bien se donner la peine… » Il se met à genoux. Qu’est-ce qu’il fait ? Et me désigne son dos. Oh… Ah oui d’accord. J’avoue que pendant un instant j’ai cru que… Que rien du tout ! Tu crois rien du tout Mads, tu divagues totalement ! Je mime une petite révérence. Et je m’accroche à son cou. J’avoue que j’ai un peu peur là. « Oh, waow… » Il s’est relevé d’un coup en m’attrapant sous les genoux et m’a remonté pour bien me maintenir. J’encadre son cou de mes bras. « Je découvre le monde d’un nouveau point de vue. » Je me mets à rire après cette bêtise. « Tu vois tout de là-haut ! » Je me mords la lèvre en riant. Ce que je peux être stupide, et j’me fais rire en plus. « Tu ne vas pas courir rassure-moi ? Sinon ce ne sera plus un carrosse mais un cheval. Et je n’ai pas appris à te monter. » J’ouvre grand les yeux. Qu’est-ce que je viens de dire ? « Euh… enfin… je… » Je souffle et pose mon front contre son épaule en fermant les yeux. Je suis misérable !

On dit que rien n’arrive par accident, on se prend parfois la réalité en pleine figure, et parfois, elle s’impose lentement à nous, malgré tout nos efforts pour l’ignorer...

elliot & mads
+ le pékinois

« Maman c’est toi qu’a l’arme donne, donne. » Vraiment on aura tout entendu ! Elliot lui raconte une histoire, hm… de super ranger de l’espace ou je ne sais plus trop, et d’arme, et de princesse, et bien entendu Luke fonce tête baissée dedans. Ça lui plait ce genre de trucs. Surtout quand ça parle de Buzz l’éclair. Je lui fais un regard insistant. Jouer très bien, mais n’en oublie pas la politesse mon chéri. « S’teuplait ? » « Attention la princesse ne donne pas l’arme aussi facilement, il faut user de tout son charme et surtout, je dis bien surtout ! Du pouvoir des chatouilles. » Oh le traitre ! C’est faible ça ! Non vraiment c’est trop… non ! Non pas les chatouilles ! Je suis une âme faible face aux chatouilles, je ne résiste pas, c’est mon talon d’Achilles, noooon !! « AAAAAH AHAHAH, AHAHAH, AHAHAH !! » En plus ils m’attaquent à deux ! Naaaan ! Je me roule par terre, et je ris tellement que je n’arrive plus à respirer. Ça suffiiiit ! STOOOP !! AAAAH ! « Je l’ai. » S’écrit Luke fièrement en brandissant… ah, bah ma chaussure. « Tu es un véritable champion, je ne m’attendais pas à ce que tu battes la princesse aussi facilement. C’est une coriace d’ordinaire. » Je t’en foutrai de la coriace ! Attends de te faire attaquer par surprise, c’est impossible de se défendre face à des mains guilitueuses. « Prochaine étape ! Le marchand de glace mais avant ! Il faut qu’on fasse la course jusqu’au château qui est là bas. » J’essaye un tant soit peu de me recoiffer. J’ai toujours les fesses posées dans le sable. Soit. De toute façon, je suis bonne pour prendre une douche en rentrant. Dire que je me suis lavée les cheveux hier soir. D’ordinaire ils tiennent trois jours. À condition de ne pas me trainer dans le sable. Comment Mads, tu n’as même pas envisagé un instant qu’on te roulerait dans le sable ? Honte à toi ! Non entre nous, je pensais que ça allait très mal se passer et que j’aurai envie de tuer Elliot. Au début ça a démarré comme ça du moins, c’était tendu dans la voiture. Et puis on est arrivés au parc, il a commencé à jouer avec Luke… Ce qui est véritablement adorable. Mads, retire-moi ce sourire idiot de ton visage et concentre-toi sur ta coiffure. Voilà qui est beaucoup mieux. « Et la princesse ? » Tout à fait, et moi ? Luke mon petit héro, jamais il ne m’oubliera. Même si on lui propose une glace, il pense à moi. J’espère du moins. Parce que je sais combien les glaces sont tentantes pour lui. « T’en fais pas je m’en occupe. » Vraiment ? Et comment ? « Si son altesse me fait assez confiance, je lui propose un autre carrosse royal. » Elliot me tend la main. Je souris. Ce qui est idiot, je l’accorde. Mais ça m’amuse. « Ce serait avec grand plaisir. Étant donné qu’on m’a totalement dépourvu de mon arme, qui est aussi mon moyen de me déplacer. » Luke se reconnaît bien là, et fier de lui, il entame une petite danse victorieuse. Quel clown celui-là ! Elliot m’aide à me relever, et je m’appuie un instant sur lui pour enlever ma seconde chaussure. J’aurai l’air plus idiote avec une seule chaussure que pieds nus. « Oh donne maman, deux armes, suis super trop puissant ! » Je n’ai même pas le temps de réaliser que je n’ai plus mes chaussures, que voilà Luke partit en courant. « Luke fais attention ! ET NE RENTRE PAS DANS LE CHÂTEAU GONFLABLE AVEC LES CHAUSSURES ! » Je crie aussi fort que possible pour qu’il m’entende. Mais Luke file comme le vent. « … Et n’abîme pas mes beautés. »

« Fallait prendre des converses, plus pratique, j’suis sûr que ça t’irais bien. J’t'en ramènerais une paire la prochaine fois. » Je le regarde avec une drôle de tête. La… prochaine fois ? Il pense déjà une prochaine fois ? Enfin… oui, Luke est son fils après tout. Mais je pensais qu’après cette journée, il allait tellement paniquer et ne pas s’en sortir qu’il fuirait en courant et que je ne le reverrai plus. Je sais, ce n’est pas bien de penser ça. Mais… je ne contrôle pas forcément toutes mes pensées. Et puis je dois avouer qu’il se débrouille plutôt pas mal en fait. Pour l’instant, quand il est question de jouer. « Ce carrosse alors ? » Chose promis, chose due. C’est bien ainsi qu’on dit, n’est-ce pas ? « Je pensais que t’allais refuser. » « Je suis pieds nus. Et puis une princesse ne se déplace pas sans son carrosse. Surtout une princesse vul… vul… vulquoi déjà ? » « La princesse de la galaxie vulcaine. » Ah oui, autant pour moi. Je me mets à rire. Tout comme lui. Pour une fois, je ne ressens pas du tout l’envie de l’étriper. Et j’entends d’ici Wendy piailler qu’on est fait l’un pour l’autre, et blablabla… comme elle me l’a déjà dit il y a deux ans. Il faut qu’elle arrête sa drogue. « Si son altesse veut bien se donner la peine… » Il fait quoi là ? Pourquoi il se met à genoux ? Ah oui je vois, monter sur son dos, hm oui, bien sûr. Je passe mes bras autour de son cou, et il se relève en me maintenant sous les genoux. « Oh, waow… » C‘est haut. Je le savais grand, mais pas si grand. Enfin… disons que là il me semble vraiment très grand. C’est plutôt chouette de tout voir là-haut. Luke sera aussi grand plus tard ? J’espère pour lui. « Je découvre le monde d’un nouveau point de vue. » Du haut de son dos, ben oui. Tu es stupide Mads. Mais je ris quand même. « Tu vois tout de là-haut ! » Le pire ? C’est que je me fais rire toute seule. « Tout ce qui me semble bon de voir. Attend me prend pas pour un géant non plus, y a plus grand qu’moi hein. » Tout ce qui lui semble bon de voir ? C'est-à-dire ? Oh je suis certaine qu’il en profite pour regarder dans les décolletés plongeants ! Le goujat ! De si haut, on croit qu’il nous regarde, c’est trompeur tout cette histoire de relativité. « Tu ne vas pas courir rassure-moi ? Sinon ce ne sera plus un carrosse mais un cheval. Et je n’ai pas appris à te monter. » … Enfin ce n’est pas ce que je voulais dire. Oh stupide Mads ! « Ah bah tu crois qu’on va le rattraper à pied ? Il va falloir qu’on mette de la vitesse et puis t’en fais pas je ne suis pas un étalon de compet’, pas encore. J’suis plutôt endurant mais bon j’suis pas un pro non plus. Tyler lui cours bien mieux que moi » Il parle de quoi là ? Un étalon… à la course ? Quelle course ? Quel genre de course ? Oh mais non Mads, retire-toi ces idées de la tête. On parle bien évidemment de courir jusqu’au château, et c’est tout. Que crois-tu toi ? Rien du tout, absolument rien ! « Prête ? Promis je serai pas brute. » Oh bon sang… mes yeux s’ouvrent tout grand. Mais pourquoi quand il dit ça, je dois repenser à lui sortant de ma douche deux ans plus tôt ? Y A AUCUN RAPPORT, MAIS AUCUN ! On peut être brute ou pas brute dans plein de circonstances autres que sexuelles, faut que tu arrêtes Mads ! Alors c’est vrai que deux ans c’est long… Mais en même temps, tu ne vas pas lui sauter dessus, encore, sur lui. On peut trouver mieux, tout à fait. Et puis ici, tout est innocent.

Elliot se met à courir, pas trop vite, mais un peu. Je resserre mon étreinte en évitant de l’étrangler. Je sais qu’en j’ai bien souvent rêvé, mais ça serait dommage quand même. « Au fait il est vraiment… » Il s’arrête dans sa phrase. Vraiment quoi ? « Oui ? » « Cool ton fils, tu l’as bien éduqué… J’aurais aimé t’aider… fin… euh… » Je ne sais plus quoi dire. J’ai même retenu ma respiration un court instant. Il aurait vraiment voulu m’aider ? … En fait j’ai été une pauvre égoïste en lui cachant la vérité et en privant mon fils d’un père. C’est ça ? C’est sur que c’est ça. Sale égoïste ! « Fin désolé hein mais oh tiens princesse ! Voilà le château ! » Je regarde devant, en effet oui, on est arrivés. Tant mieux, je ne me sens pas trop à mon aise sur le dos d’Elliot. Pas qu’il me porte mal ou… je ne sais pas, c’est juste… a little bit awkward. « MAMAAAAAN J’AI GAGNÉÉÉ ! » Elliot se baisse et me dépose sur un banc. « C’est super mon trésor ! » Oui, je suis debout sur le banc et je tape dans mes mains en même temps. Fais-toi remarquer, bonne idée. Oh je m’en fiche de toute façon. « La princesse est arrivée à bon port, a-t-elle fait bon voyage ? » Je récupère mes chaussures, et constate qu’Elliot ne me regarde pas directement. « Oui… » Je m’assois en tournant la tête. Je me contente de renfiler mes chaussures. « J’ai l’droit à ma glace à présent ? » Luke a toujours le parfait timing pour prendre la parole. Non c’est faux, mais j’aime y croire. « Vouep. » « J’peux monter dans le carrosse moi aussi ? » Oh mon dieu. Mon cœur manque un raté quand je le vois attraper Luke par la taille et le hisser sur ses épaules. Il est si petit, et lui il est si grand. Si Luke tombe de là-haut… il va se fracasser le crâne ! On ne pense pas à ça, force toi à respirer et à sourire. Non pas une grimace, un vrai sourire. « Toi c’est un autre carrosse qui t’attend, aller on est partis. » « OOOOOOOH c’est hauuuut !! Mamamaaaan regarde j’peux toucher les n’étoiles. » Je ris en le voyant taper la tête d’Elliot. Je regarde, je vois, c’est même plutôt marrant. « Tu sais Luke, il parait que si on tape quatre fois, les mains à plat… » Je lui montre en même temps en tapant sur mes jambes. « Une étoile viendra te voir dans ton sommeil pour réaliser l’un de tes vœux les plus secrets. » Oh oui c’est un mensonge, et alors ? On leur dit bien que le père noël existe, personne n’a jamais porté plainte encore. « C’est vraaaiiiii ? » Il ne se fait pas prier pour cogner très fort la tête d’Elliot. Mouahahah ! Ça, c’est pour les guilis de tout à l’heure. Elliot se tourne vers moi, et je le regarde d’un air amusé. Je n’y suis pour rien, vraiment, si Luke veut qu’une étoile vienne le voir. Tutututut. « La princesse voudrait-elle qu’on lui rapporte quelque chose ? » « Hum… de l’eau gazeuse. » « Bien princesse ! » Je les regarde s’éloigner. Et en fait… il m’appelle princesse depuis tout à l’heure… ah oui, pour le jeu.

J’en profite d’être assise pour observer ce qu’il se passe autour de moi. Je n’ai pas besoin de les accompagner, Elliot se débrouille très bien. N’est-ce pas ? Mais oui, tout va bien aller. Ce que je peux m’inquiéter d’un rien. Comme dit Théo, une vraie mère poule ! C’est faux ! J’aime mon bébé, c’est tout. Mais je ne suis pas poule, ni couveuse, ni ce qu’il veut encore. Et puis il peut causer lui, il s’est vu avec son neveu ? Un vrai chamallow. Il fond à la moindre de ses demandes ! Et après je dois passer pour la méchante quand Luke me dit "mais tonton me laisse manger des chocolats toouuuute la journée". Parce que non seulement je lui dis non, mais en plus je dois disputer Théo ! J’ai deux gosses sur les bras. Ah non mais franchement… « AAAAAAAAAAAAAH !!! » Qu’est-ce que c’est ça ?! Je me redresse immédiatement. Luke est tombé de ses épaules et il est mort c’est ça ? Son corps gît par terre dans une marre de sang ? J’arriiiiiiiiiiiiive mon bébé !!!! Et même si ce n’est pas facile de courir en talons, je suis une warrior et ça ne m’a jamais dérangé. Je suis comme les flamands roses, même sur un pied je reste debout.

J’arrive sur place et ramasse immédiatement Luke qui est le cul par terre à regarder d’un air dépité sa pauvre glace perdue. « Oh mon bébé ça va ? Tu n’as rien de cassé ? T’es toujours entier ? On t’a fait du mal ? Que s’est-il passé ? » Je l’observe sous toutes les coutures, le regarde de chaque côté, tâte ses cheveux, sa tête, son dos, ses fesses, ses bras, ses mains… ses jambes. Il n’a rien. Mais que s’est-il passé bon dieu ? « Je savais pas que tu avais un fils... Il a ton sourire et tes yeux. » Je tourne la tête vers cette voix inconnue. « C'est qui celle là ? » Hm, j’ai dit sur un ton peu amène. Pas du tout chaleureux, et même presque agressif. C’est qui cette naine aux yeux bridés qui vient se permettre de percuter et bousculer mon fils ? Et Elliot. Et puis pourquoi elle se penche comme ça au-dessus de lui ? Ça va, elle peut reculer. Il n’a pas besoin d’elle. « Je suis son ex petite amie et vous êtes ? » Je serre les dents et fronce les sourcils. Je ne l’aime pas elle. Je ne la connais pas et je ne veux pas la connaître, je m’en fous. Je ne l’aime pas. Je n’en ai rien à faire que tu sois son ex, ma p’tite. Ex en plus ça veut bien dire ce que ça veut dire : ancien, dépassé, corbeillé, oublié. Et puis de quel droit se permet-elle de dire que mon fils ressemble à son père ? Ce n’est pas à elle de faire ce genre de remarques ! « Au fait, Elliot, je ne t'ai pas fait mal ? » Une chance avec cette grosse tête. Je la fixe sans sciller, serrant Luke contre moi. « Et toi tu n'as rien ? » Oh non c’est trop, je lui interdis de parler à mon fils ! Je la fusille du regard en redressant la tête. « Il irait beaucoup mieux si vous ne lui aviez pas foncé dedans. Et ça vaut pour les deux d’ailleurs. » Son regard n’est pas plus engageant que le mien. « Je suis sa fiancée. » Dis-je avec un sourire narquois. Attends, waow, quoi ? Non ! Mads, tu perds la tête ! Oui, et bien c’est dit, c’est dit. Tu évites de passer pour une idiote maintenant, et tu restes sur ta lancée. D’ailleurs… Je mets Luke dans les bras d’Elliot – qui semble perdu – et me retourne vers l’autre. « Bien, vous vous êtes assurée que personne n’était blessé, parfait. Au revoir. » Je lui adresse un très grand sourire hypocrite et pose ma main sur le bras d’Elliot en le couvant du regard. Ben oui… quitte à m’empêtrer dans un mensonge, autant jouer le jeu jusqu’au bout. Mais en aucun cas Wendy et Théo ne doivent avoir vent de ça !