25 Novembre 1990 - Résidence Tchernikov, Saint-Pétersbourg

Des cris provenant de la chambre à coucher principal se firent entendre. Mme Tchernikov avait refusé, comme pour sa première fille de partir à l'hôpital lorsque les contractions et la perte des eaux étaient apparues. Elle avait toujours été une femme forte et têtue et personne dans la maison n'avait pu lui faire changer d'avis. Irina, la servante et sage-femme s'occupait donc de la maîtresse de maison tandis qu'Anastasia Tchernikov attendait la venue de sa petite soeur dans le couloir avec son père. « Père, tout va bien se passer ? » Une ride barrait le front du chef de famille et il déposa son regard inquiet sur sa jeune fille. « Oui tout se passera bien Ana. Ta mère ainsi que le bébé sont des Tchernikov. » Un sourire commença à se dessiner sur les lèvres du père quand son attention se reporta sur la porte de la chambre fermée où un silence de mort régnait. Voilà, c'était la fin. Le bébé n'avait pas pleuré... Il était donc mort. Détournant la tête pour éviter que sa petite ne le voit pleurer, M. Tchernikov laissa s'écouler une à une les larmes. La porte s'ouvrit alors dans un grand fracas et Irina en ressorti le visage souriant tandis que les cris du bébé couvrait sa voix qui annonçait le sexe. Anastasia et son père se précipitèrent dans la chambre et prirent les deux femmes dans leurs bras. « Comment s'appelle-t-elle ? » « Elle s'appelle Klavdia. Mais avec ton père nous aimerions que tu lui donnes un second prénom. » La petite fille de cinq ans se mit alors à réfléchir intensément. Il fallait un deuxième prénom sérieux mais qui irait bien à une petite fille même si elle ne l'utiliserait jamais. « Je veux que son deuxième prénom soit Ana. Comme ça, je serai toujours avec elle quoi qu'il arrive. » Les Tchernikov virent apparaître un sourire sur les lèvres de leur fille tandis qu'elle prenait dans ses bras la petite Klavdia. Ils étaient heureux et même s'ils n'avaient pas de descendance masculine, leurs deux princesses étaient tout à leurs yeux.

15 Mai 2000 - Résidence Tchernikov, Saint-Pétesbourg

Dix années avaient passé depuis la naissance de la dernière des Tchernikov. Dix années de joie, de peines et autres émotions fortes. Anastasia et Klavdia s'entendaient très bien mais le fossé des cinq années s'agrandissait au fur et à mesure des ans. Ana était maintenant une belle adolescente de quinze ans qui avait autre chose à faire que de rester jouer avec sa petite soeur de dix ans. Klavdia le comprenait plus ou moins mais elle n'arrivait pas à se dire qu'il fallait qu'elle laisse sa soeur tranquille de temps en temps. Ce jour-là ne manqua pas à la règle puisqu'on entendit des cris et des pleurs d'enfants. « Klavdia arrête de m'embêter, tu peux pas aller jouer ailleurs là. » « Mais je veux jouer avec toi. Pourquoi tu veux plus ? » Soupirant un grand coup, l'ainée des Tchernikov attrapa le bras de sa soeur et l'a mis à la porte de sa chambre. D'ordinaire, la benjamine ne pleurait pas lorsque sa soeur faisait ce genre de chose. Mais, là, elle lui avait serré le bras et maintenant, elle avait la marque. Les larmes se mirent à couleur et Irina se mêla de la querelle. « Venez avec moi Mademoiselle Klavdia. Nous allons trouver un jeu ensemble. » Menant la petite dans sa chambre, Irina la fit s'asseoir sur son lit et entreprit de chercher des jouets. « Irina, ce n'est pas contre toi. Mais je voulais jouer avec Ana. Je ne comprends pas pourquoi elle ne veut plus jouer avec moi. Je sais que je suis petite et tout, mais j'aimerai bien, qu'elle arrête de se comporter de cette façon. Elle pourrait faire des efforts de temps en temps. » Irina ne pouvait pas être plus d'accord. Seulement, ce n'était pas à elle de décider quand Mademoiselle Anastasia était disponible pour sa petite soeur. Ana avait de grandes responsabilités puisqu'elle était l'héritière de la famille et donc, elle devait travailler plus que les autres pour réussir. Ses parents n'étaient jamais ravis de ses résultats alors elle s'isolait encore plus pour s'améliorer. Des petits coups furent portés à la porte de la chambre. Irina se releva précipitamment et ouvrit. Anastasia se trouvait sur le pas de la porte. S'éclipsant, la domestique laissa les deux soeurs Tchernikov régler leurs problèmes. « Désolée Klavie. Mais tu sais que Père et Mère sont toujours derrière mon dos. Il faut que tu comprennes que je n'ai plus ton âge et que je ne peux plus faire comme toi ce que je veux quand je le veux. » Elle déposa un baiser sur la joue de sa soeur, puis parti. Klavdia récupéra son nounours et se roula en boule dans son lit pour finalement s'endormir en pleurant.

20 Décembre 2002 - Chambre de Klavdia, Pasadena

Cher Journal,
Je ne pensais pas que ce serait aussi dur de me confier à un bout de papier ! D'habitude c'est à Irina que je parle mais maintenant, je ne peux plus. Elle est restée là bas tandis que moi je suis venue me perdre dans ce coin pourri. Je ne connais personne, personne ne me connait. Tout le monde se moque de moi et de mon accent. Je n'arrive pas à parler anglais sans qu'on se foute de moi parce que je roule les r et que je mange certains mots. Mais le plus dur, c'est qu'elle n'est plus là pour me protéger comme elle le faisait tout le temps. Anastasia est morte dans un accident de voiture. On était toutes les deux en train de marcher dans la rue, suivie par nos gardes du corps et Ana a trébuché après avoir été bousculé par un voleur qui sortait d'un magasin. Elle a atterrit sur le bitume de la route et à ce moment-là, une voiture est passée. Je l'ai vu mourir sous mes yeux et je n'ai rien pu faire. Je ne me suis jamais sentie aussi inutile. Père et Mère ont décidé de déménager après cette affaire. Ils ont décidé que pour mon bien, ils devaient partir de Saint-Pétersbourg. Tout ça parce que je n'ai pas pleuré ni lors de sa mort, ni lors de son enterrement et encore moins maintenant. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Je n'arrive pas à pleurer. Je sais qu'elle n'aurait pas voulu que je m'apitoie sur son sort. Alors j'ai décidé de vivre ma vie pour elle. Je sais également, que maintenant qu'elle n'est plus là c'est moi qui devient l'héritière de la famille Tchernikov et donc, je me dois d'être irréprochable. Seulement, je ne suis pas Anastasia et donc, je ne serai pas aussi docile qu'elle. Mes parents le savent et ont donc décidé de sévir un peu. Je ferai donc tout pour être heureuse, pour Ana.

15 Mai 2006 - Lycée, Pasadena

« Tu vas me suivre encore longtemps ? » Klavdia se retourna pour se planter devant Nikolaï son garde du corps. Ses parents l'avaient venir de Russie pour s'occuper de leur précieuse fille. Cela faisait maintenant quatre ans que les Tchernikov avaient déménagé de Saint-Pétersbourg pour venir se terrer à Pasadena au Texas dans un autre pays que la Russie. « Je dois assurer votre protection Mademoiselle Tchernikov. » Levant les yeux au ciel, la jeune femme continua son chemin vers la salle de science. Depuis toujours elle aimait les sciences et encore plus l'anatomie. Elle avait décidé de faire des études de médecine après le lycée et ce contre la volonté de ses parents. Pour le moment, elle ne pouvait pas le faire mais elle était sûre d'arriver à ses fins. Très vite elle arriva dans la salle et s'installa pour écouter son cours. Nikolaï se mit alors près d'elle et resta ainsi tout le long du cours. Klavdia essaya de faire abstraction de ce type à ses côtés, mais elle n'y arrivait pas. Il était au service des Tchernikov depuis six mois et il se faisait passer pour un lycéen aussi. Il avait menti sur son âge et disait avoir 19 ans alors qu'en fait, il en avait 23. « Vous avez fait une erreur en recopiant votre formule. » chuchota-t-il alors qu'il frôla sa main pour lui montrer où elle s'était trompée. Comme si elle avait été brûlée, Klavdia retira vivement sa main et lança à Nikolaï un regard noir. « Arrête Nikolaï ! Je t'ai déjà dit de me tutoyer quand nous sommes ici. J'ai pas envie que tout le monde sache que je me trimballe avec mon garde du corps au lycée. » Klavdia reporta alors son attention sur le cours et continua comme si de rien était. Elle ne pouvait pas nier le fait que son garde du corps la laissait indifférente. Il était son idéal masculin en fait. Grand, brun, musclé et prêt à tout pour la protéger, même si là c'était excessif et que ce n'était simplement que son métier. Elle maudissait ses parents de lui avoir donné un canon comme vigile. La sonnerie se déclencha et la russe entreprit de ranger à toute vitesse ses affaires. « Pas la peine de me suivre, je vais aux toilettes. » Elle se précipita alors dehors et s'enferma dans les toilettes. Son cœur battait la chamade et ses joues étaient rouges. Vraiment, il fallait qu'elle trouve un moyen de tomber amoureuse de quelqu'un d'autre.

25 Janvier 2014 - Maison des Tchernikov, Pasadena

« Tu peux aller étudier la médecine si tu te fiances avec Ivan. » Ce fut les premiers mots que le père de Klavdia dit à sa fille le jour où elle lui annonça qu'elle voulait faire des études de médecine. Elle avait ragé, tempêté contre son père en disant qu'elle n'épouserait jamais un homme dont elle n'était pas amoureuse. Elle avait même cherché du soutien auprès de Nikolaï qui était devenu au fil du temps un ami plus qu'un garde du corps mais rien n'y fit. Elle fut obligée de rencontrer Ivan. La jeune russe dut donc contrainte de se vêtir correctement pour voir celui qui allait occuper la place de mari. « Mademoiselle Tchernikov, votre fiancé est arrivé. » Son garde du corps repartit comme si de rien n'était. Depuis l'annonce de ses fiançailles avec Ivan, il l'évitait et lorsqu'ils étaient obligés de se voir, il ne la regardait plus dans les yeux. Klavdia en était extrêmement blessée. Si elle avait essayé de renoncer à ses sentiments pour lui, elle avait lamentablement échoué. Au fil des années, ils s'étaient renforcés et maintenant, elle n'avait plus que lui en tête. Si bien, que lorsqu'elle avait eu des petits amis, elle n'avait jamais franchi le pas et était donc toujours vierge. Finissant de se coiffer, la jeune femme soupira avant de quitter sa chambre pour se rendre dans le salon. Là, elle découvrit de dos Ivan. Il était plus petit que Nikolaï, blond et clairement moins musclé que lui. En clair, il était tout son contraire. Elle soupira avant de se jeter dans la fosse aux lions. « Bonjour, je suis Klavdia Tchernikov. Enchantée de faire votre connaissance. » Ivan se retourna alors et lui offrit un sourire éclatant. « Enchanté également Klavdia. Je suis Ivan... » Elle n'entendit pas le reste de ce qu'il venait de dire. Nikolaï venait d'apparaitre dans la pièce et elle avait les yeux scotchés sur lui. Si seulement elle n'avait pas été l'héritière d'une grande famille et d'un empire, elle aurait pu avoué ses sentiments au brun et vivre son amour pour lui. Depuis quelques temps, elle avait l'impression qu'il n'était lui aussi pas insensible à son charme. Klavdia aurait donc aimé savoir s'il était amoureux d'elle lui aussi. « Klavdia, m'écoutez-vous ? » La jeune femme reportit alors son attention sur Ivan alors qu'un sourire moqueur apparaissait sur les lèvres de Nikolaï. Elle se mit alors à rougir. « Excusez moi Ivan. J'étais perdue dans mes pensées et dans les examens qui approchent. » Elle lui prit alors le bras. « Allons nous promener dans le jardin. Nikolaï pas la peine de nous accompagner. » Ils sortirent donc tous les deux pour essayer de se rapprocher. Dans d'autres circonstances, Klavdia aurait pu tomber amoureuse de lui... Dans d'autres circonstances.