J'AI DIX ANS, DES BILLES PLEIN LES POCHES, J'AI DIX ANS, LES FILLES C'EST DES CLOCHES, J'AI DIX ANS.« NOM D’UN CHIEN !! » J’ai regardé Théo, il m’a regardé, on s’est regardés… et on a refermé la porte du placard. On est caché dedans depuis une bonne dizaine de minutes, mais c’était entre-ouvert. On guettait l’arrivée de maman. Et là… on l’a entendu crier, alors on referme pour bien se planquer.
« Tu crois que… » « Chut ! » Je plaque ma main sur la bouche de mon petit frère. Il faut rester discret. Sinon maman va nous trouver, et là, ça va vraiment barder !
« ET TU ME DEMANDES DE ME CALMER ALORS QU’ILS ONT LABOURÉS LE SALON ??? » Oh, je crois que papa est avec elle et qu’il essaye de la calmer. Alors là… ça va barder deux fois plus ! Papa nous punit pas tellement, mais quand maman est énervée, il nous punit de l’avoir mise en colère. Il nous dit toujours qu’il l’aime tellement qu’il ne supporte pas de la voir dans un état pareil. Et puis il ajoute toujours, plus discrètement, qu’elle lui fait un peu peur quand elle est comme ça. Nous ça nous fait rire, mais pas longtemps parce qu’après maman nous jette un regard de tueuse.
« On n’a pas labou… » Je plaque encore la main sur la bouche de Théo. Quand va-t-il enfin se taire ?! C’est pour ça qu’il perd toujours à cache-cache, incapable de se taire plus de cinq minutes.
« MADELINE !! THÉODORE !! VENEZ IMMÉDIATEMENT !!!!! » Madeline, Théodore… ça ne rigole plus alors !
« Mads… ? » « Chut, fais comme l’opossum, fais le mort. » J’ai vu ses yeux s’agrandir. Je ne suis pas folle ! C’est un instinct de survie. Et là on a entendu du bruit. Il a plaqué lui-même sa main sur sa bouche pour étouffer une exclamation de surprise ou de peur. Et puis il s’est étalé sur le sol, en ouvrant grand la bouche et en tirant la langue, pour faire le mort. J’ai mis mes mains sur mon visage pour me retenir de rigoler, parce que c’était vraiment trop drôle ! Le plus dur, c’est quand même de ne pas rire quand on ne doit faire aucun bruit ! Mais là, j’ai entendu un autre bruit qui m’a fait revenir à la réalité. Alors moi aussi je me suis allongée (sur Théo, manque de place) et j’ai fait la morte. Pile à ce moment là, le placard s’est ouvert.
« Trouvé ! » C’est papa.
« Arrêtez de jouer les imbéciles, votre mère est en pétard. » Papa a une voix calme, il n’est pas encore en colère.
« Théo, c’est quoi cette tête ? On dirait un poisson mort. » C’était le mot de trop. On a tous les deux explosé de rire ! Mais pas très longtemps à vrai dire…
« AH VOUS VOILÀ ! » Théo s’est caché derrière moi en m’agrippant.
« Héé, tire pas sur mon pull ! » « Suivez-moi ! » Alors on a marché derrière maman, tout penauds, sans oser lever la tête.
Et puis on est arrivés dans le salon, et elle nous a mis devant les faits.
« Expliquez-moi ça ! » Elle a fait un grand mouvement de sa main droite pour désigner le désastre. Théo serrait fort ma main dans la sienne, en tremblant, comme un lapin. C’est un peureux Théo, j’arrive toujours à lui faire peur avant d’aller dormir. Et du coup, il vient dormir avec moi. C’est un peu plus gênant ça par contre. Mais en revanche, quand quelque chose me fait peur ou que je ne veux pas dormir toute seule, je n’ai qu’à aller le traumatiser et il vient dormir avec moi. Et ça c’est chouette !
« J’attends ! » Maman croise les bras et tapote le sol du pied. Dans un mouvement rapide et régulier. Elle a les sourcils froncés, et même que ses narines frémissent parce qu’elle est en colère.
« Et bien… » Je regarde Théo, puis papa, puis maman.
« Bulle était en train de se noyer, alors on l’a posé sur la table et Théo a essayé de lui faire du bouche-à-bouche. » Là, je vois qu’ils ouvrent grand les yeux de surprise. Ah oui, Bulle c’est notre poisson rouge. Enfin c’était…
« Mais là, Pastel est arrivé et il a sauté sur la table. J’ai voulu le faire partir, mais il a été super rapide. Il a fait tomber Bulle de la table, et puis il l’a attrapé dans sa bouche. » Je regarde Théo qui se retient de rire à cause de la suite. Du coup, moi aussi je me pince les lèvres.
« Alors… » Je me pince les lèvres, je ne dois pas rigoler.
« Alors on a voulu attraper Pastel pour lui faire recracher Bulle. » Pastel, c’est notre chat. Un joli siamois toute beige.
« Du coup, on a couru après Pastel parce qu’il courait dans tous les sens ! Sur le canapé, sur la table, sur le piano, sur les rideaux ! » Théo pouffe de rire en mettant sa main devant sa bouche.
« Et là, Théo a réussi à attraper Pastel par les pattes arrières. Il l’a secoué pour faire recracher Bulle. » Théo tombe à genoux par terre en se tenant le ventre et en riant. Je vois papa qui se mort la joue pour ne pas rire à son tour. Et maman, elle est toujours impartiale.
« Et Pastel miaulait super fort dans tous les sens, il s’est accroché aux rideaux… » Je désigne du doigt celui qui est tout déchiré.
« Mais toujours pas de Bulle… » Je tente un petit sourire et puis une petite blague.
« Je pense qu’on le retrouvera demain... » Théo et papa éclatent de rire, c’est plus fort qu’eux. Quant à maman…
« Donc si je comprends bien… Bulle est mort ? Et ça vous amuse ??!! » Je baisse la tête en croisant mes doigts entre eux. Théo s’arrête immédiatement de rire, et il reste même par terre.
« Oh chérie, tu fais une montagne de peu de choses. Tu ne l’aimais pas ce poisson. Tu n’as jamais aimé les poissons rouges. Et plus d’une fois je t’ai entendu dire que tu voulais le donner à manger au chat. » J’ouvre de grands yeux en regardant maman et papa. Révélation ! Elle secoue la tête, se tourne vers papa, lui murmure quelque chose. Et puis finalement elle nous regarde en soufflant.
« Très bien ! » Elle lèvre les bras au ciel.
« Très bien, je passe pour cette fois. Mais attention à l’avenir ! Je ne veux plus retrouver le salon dans cet état !! » Elle nous pointe du doigt avec un air menaçant. On hoche activement la tête.
« Oui maman ! » « Rangez-moi ce bazar maintenant. » Qu’elle nous dit en désignant le salon d’un mouvement de tête.
« Oh j’ai besoin d’un remontant moi. Chéri, tu me racontais ta journée, alors ? » Et ils s’éloignent tranquillement. Juste avant de quitter la pièce, papa se retourne vers nous et lève son pouce en l’air en faisant un grand clin d’œil. Oh ouais, il gère notre papa !
TU ES MON SOUFFLE DE VIE. ENFIN, C'EST CE QUE JE CROYAIS...« Salut chéri ! » Je passe mes bras autour du cou de Ben et dépose un baiser sur ses lèvres.
« Tu vas bien ? » Il me sourit et me prend par la main.
« Et toi ? » J’hoche la tête.
« Oui, mais tu ne m’as pas… » « Il faut qu’on discute. » « …répondu… mais si tu veux aussi me couper la parole, alors vas-y, ne te dérange pas pour moi. » Il me tire vers un banc et me pousse à m’assoir. Mais j’ai bien vu qu’il a levé les yeux au ciel ! Je ne suis pas dupe !
« Tu recommences. » J’hausse des sourcils en le regardant fixement.
« Je recommence quoi ? » « Ça, ce que tu fais tout le temps, me reprendre. » « Te repren… Non j’estime juste que j’ai le droit à un minimum de respect, et donc de ne pas me faire couper la parole. » Voilà qu’il souffle maintenant. Comme si son lever d’œil au ciel ne suffisait pas, il faut en plus qu’il se mette à souffler. Je déteste qu’on me souffle. C’est un total manque de respect. Et alors quoi ? Il a décidé qu’aujourd’hui était la journée de l’homme macho et sans égard de politesse ? Il me coupe la parole, il me fait des reproches insensés, il souffle. Ce sera quoi ensuite ?
« Mais tu le fais tout le temps. » « Peut être parce que tu me coupes sans arrêt la parole ?! » « Mais c’est pas vrai ! » Encore une fois j’hausse les sourcils.
« Ah oui ? Tu crois ? Alors dis-moi simplement quand… » « Écoute c’est pas de ça que je voulais parler à la base. » « AH ! » Je pointe mon index vers lui. Je me suis peut être exclamée un peu fort, parce qu’il me regarde avec de grands yeux. Je me suis levée sous le coup de mon "ah". Il s’est alors massé les temps en fermant les yeux.
« Assieds-toi s’il te plait. » « Et si j’ai pas envie ? » « S’il te plait ? » Hm, j’ai fait une petite moue avec mes lèvres : gauche, droite… Je l’ai regardé avec insistance. Et puis je me suis assise.
« Que se passe-t-il chéri ? » J’attrape sa main et lui offre un sourire rassurant. Je me demande bien ce qu’il peut autant le tracasser. C’est vrai, tout va bien entre nous ! Je viens de fêter mes vingt quatre ans, on a trouvé un appartement superbe et on va bientôt emménager. Ma vie est… parfaite ! Alors quelle ombre au tableau veut-il amener ?
« Chéri ? » Il retire sa main et se racle la gorge. Que fait-il ?
« Ché… » « Arrête ça ! » Je sursaute et pose mes mains sur ma poitrine. Je ne comprends plus rien. Il se passe une main dans ses cheveux. Puis soudain il se tourne vers moi.
« J’y arrive pas ! » J’ai froncé les sourcils d’incompréhension.
« De quoi… de quoi tu parles ? » J’ai penché légèrement la tête sur le côté.
« Est-ce qu’il s’agit de problème de… tu sais… intimes ? » Ai-je demandé dans un murmure en articulant tous les mots, et en désignant d’une main son pantalon.
« Quoi ? Non mais t’es cinglée ! » Je le regarde avec une totale incompréhension. Je suis perdue… Il veut parler, m’avoue qu’il n’arrive plus à faire quelque chose dont j’ignore clairement l’existence, et quand j’émets de quelconques hypothèses (qui pourraient tout à fait être possible, parce que soyons francs, ce n’est pas un étalon…), il me traite soudain de cinglée ! Alors quoi ? Il se pince le haut du nez entre les sourcils et souffle.
« C’est trop tôt. » J’en ai marre de ses devinettes !
« Mais de quoi ? De quoi tu parles ? Sois plus clair, je t’en prie ! » Il me regarde un instant, semble chercher une réponse dans mon regard. Il croit qu’il va y trouver quoi ?
« C’est trop tôt pour emménager ensemble. Toi, moi… on va trop vite. J’y arrive pas. » Je crois que le ciel vient de s’effondrer sur ma tête… J’ouvre de grands yeux. Je ne sais même pas quoi dire… Ben est en train de m’arracher le cœur et de le piétiner sans aucune pitié.
« Mais… on doit emménager dans deux semaines ! » « Je sais, mais il va falloir annuler. C’était une erreur de croire qu’on était prêt. » Je déglutis très difficilement.
« Annuler ? Mais… et je vais vivre où moi ? Je dois avoir quitté les lieux dans… deux semaines ! » « C’est pas important ça. On parle de ce que je ressens là… » « QUOI ??? C’EST TOI L’ERREUR PAUVRE CON !! Tu vois une autre nana c’est ça ? RÉPONDS ! » Je me suis levée, les poings serrés, et je me fous qu’on puisse nous entendre. Il baisse la tête. Je le savais ! JE LE SAVAIS !
« C’est ton ex hein ?! CONNARD !! » Je lui tourne le dos pour m’en aller, mais finalement je fais volte-face et lui arrache des mains le téléphone qu’il tient, que je lui ai offert pour son anniversaire.
« ET RENDS-MOI ÇA !!! » « Hé, hé ! » Je lui file une méga claque dont il se souviendra toute sa vie ! Et je m’en vais. Quel con ! Et comment je vais faire moi ? Vingt cinq, je retourne chez maman et papa… QUEL CON !
ON SAIT JAMAIS, SUR UN MALENTENDU ÇA PEUT PEUT-ÊTRE MARCHER.Je m’assois dans le canapé de Théo, à côté de lui, et pose mon téléphone sur la table. Je n’ai aucun message pour le moment, et j’avoue n’en attendre aucun. Mais comme Ellie m’envoie sans arrêt des textos pour me commenter tout ce qu’elle fait, je garde toujours mon téléphone sur moi. Wendy s’amène alors avec des verres et des gâteaux d’apéritifs, hm ça tombe bien ! Je meeeuuuurs de faim ! J’ai l’impression que des tas de petits bonhommes me creusent l’estomac avec leurs pioches ! Et voilà qu’elle s’assoit dans le fauteuil, un peu en face de nous. Le regard qu’elle jette à Théo est éloquent, elle est réellement folle de lui. Et ça m’arrache un sourire, je suis vraiment contente de savoir que mon petit frère est heureux en amour. Il a trouvé la femme parfaite pour lui ! Et mon téléphone qui sonne.
« Un nouveau mec en vue ? » Je regarde Wendy qui a un grand sourire accroché au visage. Je secoue la tête.
« Hm, non. C’est Ellie qui me raconte sa vie. Tiens savais-tu qu’il existait une couleur qu’on appelle tapenade ? Et bien moi non. Enfin c’est ce qu’elle raconte… » Je ris en reposant le téléphone. Théo attrape son verre et pose ses pieds sur la table. Moi je suis assise en tailleur, ayant enlevé au préalable mes chaussures. J’adore leur appartement ! Plus grand que le mien. C’est un des avantages de vivre à deux, plus de moyen, plus grand espace.
« T’sais Mads… » Il ne me regarde même pas, captivé par la télévision. Je jette un coup d’œil amusé à Wendy.
« Oui Théo-chou ? » Ah, cette fois-ci il me regarde. Mais pour me jeter un œil genre plus jamais ce surnom ! Il grogne, mais pour une fois ne dit rien. Oui mon frère grogne. Il reporte son attention sur la télévision.
« Tu devrais te trouver un gars. » Ah bah oui tiens, je n’y avais pas pensé ! Je vais aller en commander un dans ce nouveau magasin…
« Ça fait combien de temps maintenant ? Un an ? T’as eu d’autres rendez-vous depuis ? » Je lève les yeux au ciel.
« Non je suis restée prostrée chez moi durant un an. Qu’est-ce tu crois ? Oui ! Mais tous des crétins pas finis du bocal ! » Il me regarde avec son petit sourire qui veut dire : laisse, j’ai la solution. Mais je n’aime pas ce sourire. La dernière fois qu’il m’a sourit comme ça, je me suis retrouvée à faire des claquettes en tenue de soubrette… Non je vais épargner les détails. Vraiment pas, mais alors vraiment pas de revivre ce moment !
« Je peux te présenter des gars. » « Tes potes ? Ah non merci ! C’est gentil Théo, mais là non. » Et puis quoi encore ? Bientôt je vais taper dans le petit jeune de vingt ans, c’est ça ? Hors de question !
« Ouais j’sais tu préfère les mecs plus vieux… Elle a dans l’idée qu’un gars doit protéger sa nana ! » Qu’il dit en rigolant en s’adressant à Wendy. Je lui fous un coup dans l’épaule.
« Et elle a raison ! » « Et toi tu ne protèges pas grand-chose. Hein Théo-chou qui court sous la couette quand y a de l’orage ?! » On se met toutes deux à rigoler tandis que Théo me tire la langue. Eh oui mon p’tit, tu le sais pourtant que je ne suis pas une cible facile.
« Oh ! » D’un coup il se tourne vers moi en me tapotant le bras pour attirer mon attention. Suffit, arrête !
« Wendy connait un gars, euh son vieux voisin d’enfance ! Hein tu vois Wendy, lui ? Ouais il serait trop parfait ! Il a quoi un ou deux ans de plus que toi je crois. Ouais il serait parfait ! Il est célibataire hein ? » C’est quoi ce plan ? Pourquoi il devient aussi excité tout d’un coup ? Je regarde Wendy en secouant la tête, non, non, dis non ! Pitié, dis non !
« Ouais il est célibataire ! » Elle me regarde avec un grand sourire. Traitresse !
« Hé j’peux l’appeler ! Et s’il est effectivement célibataire, vous pourriez vous rencontrez ? » Je secoue encore plus activement la tête.
« Non merci ! » « Mais pourquoooiiiii ? T’as quoi à perdre hein ? Au pire des cas, tu le reverras jamais, pas vrai ? Et puis on sait jamais, sur un malentendu ça peut peut-être marcher ? » Je fronce les sourcils.
« Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? » « Oh bah t’es tellement chiante, mais s’il y prête pas attention, peut être que t’arrivera à lui plaire. » « Crétin ! » Je lui cogne l’arrière de la tête en riant. Quel idiot mon frère ! Mais il n’a pas tord – pas quand il dit que je suis chiante hein ! – mais quand il dit que ça pourrait fonctionner. Il faut voir… et qu’adviendra que pourra. J’hausse les épaules et attrape mon téléphone.
« Hm, bien, okay… mais si ça ne marche pas, plus de plan de ce genre ! » Ils se mettent tous les deux à sourire comme des benêts.
« Promis ! » Mouais j’sais pas, j’la sens pas leur promesse avec leur sourire d'ange…
ET LÀ... OU ON FAIT UN PAS EN AVANT, OU ON TOURNE LE DOS ET ON S’EN VA.J’entre dans le restaurant dont Wendy m’a donné l’adresse. Je n’arrive pas à croire que j’ai accepté… Je ne sais rien de ce type. Juste qu’il s’appelle Eliott. C’est tout. Je ne sais pas son âge (précisément, parce que Théo change tout le temps d’avis et que Wendy n’a pas jugé utile de clarifier les choses), je ne connais pas son nom de famille, je ne sais pas quel travail il fait, je ne sais même pas quelle tête il peut avoir ! Je n’ai pas vu une seule photo de lui ! Selon Wendy c’est pour – et je cite – "ne pas rompre le charme si jamais ça n’accroche pas". Quel charme ? Il n’y a aucun charme ! Je suis en train de stresser parce que je me demande vraiment à quoi il va ressembler ! Et si c’est un gros pervers ? Un vieux papy ? Un travesti ? Un type de la mafia russe ou italienne ? Et si c’était Ben qui avait changé de nom ? Hm, peu probable celle-là… Mais je maintiens le pervers russe ! Et s’il a une grosse moustache ??? Ah non !
« Bonjour, je cherche le bar s’il vous plait ? » En plus oui, nous avons rendez-vous au bar. Je ne sais même pas comment je vais le reconnaitre…
« Par ici. » « Merci. » Je continue mon chemin jusqu’au bar, et là je commande un gin tonic. Je vais en avoir besoin ! Il ne faut pas oublier de respirer. Je m’assois et commence à boire tranquillement. Enfin tranquillement, aussi tranquillement que mon esprit non apaisé à cause de cette rencontre à la mord-moi-le-nœud me le permet. Mais pourquoi ai-je accepté ? Je devrais partir en fait, faire demi-tour et vite. Mais non, ma bonne conduite m’en empêche. Ou alors ce sont simplement mes jambes qui ne répondent plus. J’hésite… ça me fait le même effet. Oh tiens des cacahuètes ! Ça va m’occuper de grignoter un peu. Bon c’est long, que fait-il ? Je sais, je suis impatiente. Mais j’ai hâte d’en finir très vite avec cette histoire ridicule ! Heureusement que j’ai mon gin tonic et mes cacahuètes pour m’occuper…
Deux verres de gin tonic et trois bol de cacahuètes plus tard… Le temps me parait interminablement long ! Je me retourne alors – une énième fois – dans l’espoir de voir arriver mon mystérieux rendez-vous. Oh mais… que vois-je ? Doux Jésus ! Si c’est lui alors… je signe tout de suite ! Oh bon sang ! Il est grand, un sourire éblouissant, des cheveux parfaitement bien coiffés, un costard sans le moindre pli, un regard transperçant, une sensualité étonnante se dégage de cet homme… Oh ça ne peut être que lui ! Il me regarde ! Il vient par ici ! Oui, c’est lui ! Je me lève et affiche un sourire resplendissant et plein d’espoir. Peut être un peu trop d’espoir… Il s’avance vers moi… Mon cœur bat la chamade. Faites qu’il ne soit pas pervers, faites qu’il ne soit pas pervers ! Oh… oh non il n’est définitivement pas pervers… il est plutôt… très gay. Il vient de s’arrêter à une table et d’embrasser à pleine bouche un autre mec. Super ! Mon rêve s’effondre. Et le mythe que les gays sont tous super hot s’avère vrai. C’est quoi ça ?
« Bonsoir ! » Un grand débraillé à moitié dessapé se plante devant moi, totalement essoufflé, une main sur la hanche, l’autre appuyé contre le bar. Il souffle, respire à peine, tente un sourire. Il ne ressemble à rien. Il a une trace de rouge à lèvres sur la joue, la chemise à moitié sortie de son jeans. Les cheveux en bataille… Il ne ressemble à rien ! Ça veut dire quoi ? Il a l’air de quelqu’un qui vient de sortir du lit. Et pas tout seul du lit ! Il doit en voir encore beaucoup après moi ?
« Je peux savoir qui vous êtes ? » Il s’appuie de tout son poids sur le bar et souffle à fond.
« Euh… Eliott… » Il est carrément à bout de souffle.
« On a… rendez-vous… Wendy… » Ouais pas la peine d’en dire plus, j’ai compris.
« Attendez ! … Vous allez où ? » Je me retourne et le toise du regard, de haut en bas.
« Je rentre chez moi, cette blague n’est vraiment pas amusante. » Il attrape le reste de mon gin tonic et le termine d’une traite. Génial ! Puis il tente de s’aplatir les cheveux.
« Allons manger au moins. » « J’ai déjà avalé des cacahuètes, merci bien. » « J’ai entendu dire que leur gigot d’agneau est un délice ! » « Je suis végétarienne ! » « Et c’est sans parler de leur salade norvégienne ! » Il lance son poing en l’air en affichant un grand sourire enjoué. Je me mords la lèvre et regarde les pieds. Mais dans quoi suis-je tombée ? Rah, Wendy, c’est vraiment parce que c’est toi !
« Okay, d’accord. Mais juste le repas alors ! »Un repas, une bouteille de tequila, une bouteille de vodka et une bouteille de champagne plus tard… « OH MON DIEU UNE PISCINE JUSTE LÀ !!! » J’attrape le grand brun à côté de moi. J’ai oublié son prénom, c’pas grave !
« Viens on va nager ! » « On n’a pas de maillot ! » « Justement ! » Je rigole et lui lance un regard empli de sous entendus. Et sans l’attendre, je passe discrètement la barrière qui nous empêche d’accéder à la piscine. Rien de bien difficile en fait. Après l’avoir escaladé vainement, je me retourne et vois… qu’il pousse la petite porte et entre sans problèmes. Je lui tire la langue et trottine jusqu’au bord de la piscine. Là j’enlève mon manteau, mon pull et mes chaussures. Je trempe ma main… broouu, elle est bonne ! Je l’attrape par la main et passe mes bras autour de son cou.
« C’est quoi ton nom déjà ? » « Eliott et… » « On se baigne ! » Je me détache de lui et enlève mon pantalon. J’ai envie de plonger.
« Aller ! Sois pas trouillard ! Montre que t’es un homme ! » J’éclate de rire. Je retire mon tee-shirt et pas besoin de le regarder, je sais qu’il me regarde entièrement. J’ai bu combien de verres ? Assez pour me déshabiller… OH LALA DES FRITES LÀ-BAS !! Oh une violette ! Il me la faut !! Je cours l’attraper et je la lance dans l’eau.
« Aller, aller ! » Je me retourne et… oh ! Je m’arrête net au moment où il enlève son tee-shirt. Oh mon dieu… allô les pompiers ? Je brûle ! Y a le feu dans ma culotte ! Ohlala, il est musclé et… là, complètement pétée, il me parait terriblement sexy, super hot ! J’ai besoin de plonger dans l’eau en fait… Je me rapproche de lui en souriant.
« Tu m’aides ? » Je me tourne et lui montre l’attache de mon soutien-gorge. Bah quoi ? Je ne vais pas me baigner avec ! Je vais l’abimer avec le chlore !
« Euh ouais d’accord… » Je l’entends balbutier et je souris. Je ramène mes cheveux devant mon épaule et regarde la surface de l’eau. Je sens ses doigts s’attaquer à mon soutien-gorge, parfois ils effleurent ma peau, m’arrachant des frissons. Quand il y arrive, je lui jette un regard imprégné de sous entendus et de défis. Rejoins-moi ! Je lâche mon soutien-gorge et termine de me déshabiller entièrement avant de plonger dans la piscine. L’eau me fait du bien. J’avais chaud, et maintenant je me sens mieux. Quand je ressors la tête de l’eau, Eliott y est aussi. Alors il m’a rejoint… Je nage tranquillement jusqu’à lui en souriant.
« Salut. » « Salut. » Wah, il est pas trop mal en fait sous le clair de lune… à moins que ce ne soit la lampe de la rue. Je ne sais pas trop. Mais il a un sourire tellement…
« Tu m’en voudras pas ? » Il me regarde sans comprendre.
« De quoi ? » « De ça… » Je pose mes mains sur ses joues et l’embrasse. Mon dieu, c’est tellement… spontané ! Je ne suis pas spontanée ! Et là c’est vraiment… absurde ! Mais ça me plait… et il embrasse vraiment bien.
« WOW LES BOULETS ! VOUS ALLEZ FAIRE COMMENT SANS ÇA ?? » On tourne la tête vers deux silhouettes qui ramassent nos affaires, nous les montre et se barrent en courant.
« Hey ! » « Non ! Non ! REVENEZ !! » Il nage super vite jusqu’à l’échelle mais il hésite à sortir. Et puis les autres sont partis.
« Nos vêtements ? » Il secoue la tête et se laisse retomber dans l’eau. Je m’approche de lui en rigolant. En rigolant vraiment ! J’ai perdu mes fringues mais je suis morte de rire !
« On est tous nus et ma voiture est de l’autre côté de la rue… tout le monde va nous voir ! » J’explose de rire en posant ma joue contre son épaule. Je n’en peux plus, j’ai mal au biiiiide !
« Et tu trouves ça drôle ? » Mais lui aussi est en train de rire. Ohlala… ça ne m’était jamais arrivée encore !
« C’est vrai que c’est drôle ! » Et voilà, on est finis, on ne s’arrêtera plus jamais de rire. Et puis…
« Han, j’ai entendu du bruit ! » Je viens de lui mettre mon poing dans l’épaule. Il tire la grimace et se frotte le bras.
« Chuuuuuuuuuut. » Je pose mon index devant ma bouche et prends une tête de totally spy. Pas de bruit, pas de mouvement brusque !
« HEY VOUS LÀ ! » « COOUUUURS !!! » Il me pousse vers l’échelle et même là, me pousse encore sous les fesses pour qu’on déguerpisse au plus vite ! AAAAH je suis toute nue ! Je me cache comme je peux de mes mains. Merde mes clés de voiture ! Elles étaient dans mon jeans ! Oh j’y crois pas ! ELLES SONT LÀ !! Dieu je t’aime ! Ou pas… tu m’aurais pas pris mes fringues sinon.
« Cours ! Cours ! Cours ! » Eliott se met à tracer devant, les mains posées devant son entre-jambe. Et là, j’ai presque envie d’éclater de rire tant c’est ridicule ! Presque hein ! Parce que y a un type bizarre qui me court après et que je suis en train de flipper à moooort ! Je me retourne un instant, AAAH il me menace avec sa grosse moustache et son balai ! Aucun double sens ! Je m’acharne sur ma clé de voiture, et puis j’arrive à l’ouvrir.
« C’EST OUVEEEEEERT !!! » Ni une ni deux, j’ouvre la portière et saute dans la voiture à l’arrière. Je me sens plus en sécurité derrière. Aie ! Je me cogne contre Eliott qui a eu la même idée. Je tombe presque en avant en voulant appuyer sur le bouton de verrouillage de la voiture. Mais finalement j’y arrive. On est en sécurité ! Je me laisse retomber sur le siège en riant. Et puis d’un coup…
« AAAH mais on est nus !! » « C’était ton idée ! » « Non ! » Je me cache comme je peux en évitant son regard.
« Tourne-toi ! » « Me tourner ? Comment ? On est dans une voiture ! On tourne pas dans une voiture ! » « Je m’en fiche de ça ! Tourne-toi quand même ! » « Tu sais, plus la peine de te cacher, je t’ai vu… » HAANN !! J’ouvre grand la bouche en fronçant les sourcils ! Salopiaud ! Je lui mets un coup dans le bras.
« De toute manière, on a pas de vêtements… » « Fais chier ! Pourquoi t’as eu cette idée aussi ?! » Il ouvre de grands yeux et me regarde fixement.
« Moi ? Moi ? Mais… mais c’est toi !! » Je lève les yeux au ciel et l’ignore radicalement.
« Tu vis loin ? » « Tu veux aller chez moi ? » Il hausse des sourcils en souriant.
« Moi ? Non. Mais toi, oui ! » J’essaye de m’avancer vers l’avant, mais tout en me cachant. Je m’arrête, le regarde en fronçant les sourcils.
« Ferme les yeux au moins ! » Il soupire et ferme les yeux.
« C’est bon ? » « Oui. » « Sûr ? » « Non. » « Quoi ? » « Oui, oui ! » Je fronce les sourcils, et malgré le fait que je n’ai pas du tout confiance en lui, je passe rapidement sur le siège avant.
On roule depuis quelques kilomètres seulement, quand des gyrophares clignotent au loin devant.
« Merde ! » « T’es certaine de pas avoir une couverture là-dedans ? » Je lui lance un regard de tueur et me reconcentre sur la route.
« Et arrête de me regarder ! » « Ah mais je te regarde pas, je te vois. Nuance. » « Babouin ! » « Guenon. » « Chut, ils me font signe. » « Tu comprends le langage des signes ? » « Quoi ? » Il hausse les épaules et tourne la tête. Oh mon dieu, le flic qui vient est un mec…
« Il va croire qu’on est naturalistes ou je ne sais quoi… » « Tu n’auras qu’à l’éblouir avec tes arguments. » Pas le temps de le cogner, le flic toque à la fenêtre. Je déglutis difficilement et j’ouvre la fenêtre de moitié.
« Vos papiers s’il vous plait ! » Je les attrape en faisant le moins de mouvement possible. Avec un peu de chance, l’obscurité nous fera passer inaperçus.
« Je rêve ou vous êtes à poil ?! » Ou pas… Je tente un sourire vraiment timide.
« Veuillez sortir du véhicule ! » « Quoi ? » « Sortez du véhicule ! » Je regarde Eliott et lui fais signe.
« Non pas lui, juste vous. » Je le regarde comme si je venais d’entendre la pire connerie du monde.
« Mais… ? » Eliott se penche alors vers la vitre.
« En toute logique, si vous n’avez pas d’agent féminin dans vos rangs, vous ne pouvez pas forcer une femme à se montrer nue ou presque nue devant vous. » Je regarde Eliott, j’ai presque envie de lui sauter au cou et de lui dire merci. Mais ce serait vraiment bizarre. Il se passe quelques secondes de silence, et puis finalement…
« Okay, circulez. Et allez vous habiller ! » « Merci. » Et je n’ai pas attendu plus longtemps, je suis vite partie. Trop honteuse de ce qu’il vient se passer. J’ai envie de m’enterrer dans un trou de souris.
« Merci… » Je n’ose pas le regarder. Je ne sais pas s’il m’a entendu, il ne répond pas. Je ne sais même pas s’il me regarde ou pas. Je ne sais rien. Tout ce que je sais, c’est que je me suis arrêtée devant chez moi. Et qu’une fois encore, ça été très drôle pour traverser la rue sans que personne ne nous voit…
J’ai pu enfiler un vieux pull que j’avais un jour chipé à Théo, et un short. Et j’ai réussi à trouver un tee-shirt et un jeans qui pourraient aller à Eliott. Heureusement que Théo laisse trainer ses affaires partout. Et puis alors on a bu un verre. Puis deux, puis trois, puis quatre et… le trou noir.[/color]