Raconter mon histoire… mais pourquoi faire ? Je ne suis personne, je n’ai aucune importance dans ce monde. Un passant comme un autre, dont on pourrait très bien se passer. Je sais ce que vous vous dites : « Oh non ! Encore un pauvre type qui se rabaisse pour qu’on lui dise qu’il vaut mieux que ça … ». Mais non, croyez-moi. Vous voulez connaitre mon histoire ? Très bien, je vais vous la raconter mais autant vous prévenir tout de suite, je suis peut-être insignifiant mais je suis loin d’être quelqu’un de bien.

Je viens d’une famille particulièrement aisée mais aussi très stricte. Pour mes parents, ce qui compte le plus, c’est de sauver les apparences. Enfin plutôt paraitre comme une famille parfaite. En soit, elle l’est seulement tout ne peux pas être tout blanc ou tout noir. Il fallait bien un petit canard boiteux dans la lignée des Larkin. Eh bien, c’est moi. Je suis le vilain petit canard, incapable de se plier aux règles, d’écouter ce qu’on lui dit ou même de prendre ses responsabilités. Une vraie honte pour la famille comme le dit si bien mon père. Néanmoins, je m’en moque et ce depuis bien longtemps déjà. Callie, ma grande sœur, est à l’image des Larkin, elle est belle, intelligente, soignée et réfléchie. Tout mon contraire, pourtant on a toujours été très proches. Quand j’étais petit, j’étais peut-être un peu jaloux car on ne lui reprochait jamais rien mais en grandissant, j’ai compris que le chanceux dans l’histoire, c’était moi. N’étant pas à la hauteur de ma sœur, mes parents n’attendaient rien de moi. J’étais libre et elle ne l’était pas. Cependant, ça n’a jamais eu l’air de l’embêter. Elle a d’ailleurs toujours semblé en accord avec les choix de papa et maman. Enfin, ceux la concernant tout du moins. Et ça lui a plutôt bien réussi. Brillante avocate mariée avec trois merveilleux petits monstres, elle n’a rien à envier à personne.
Dans un sens, on peut dire que Callie était mon bouclier car grâce à elle, je pouvais vivre ma vie comme je l’entendais sans me sentir coupable de décevoir nos parents. Plutôt populaire au lycée, j’en profitais pas mal. J’allai à toutes les soirées branchées, je sortais avec les filles les plus jolies, je couchais à droite à gauche… J’étais le stéréotype même du gars mal dans sa peau qui se cache derrière un masque de connard. Oh oui, j’étais un connard. Mais s’il y a bien une chose dont je suis fier, c’est que je suis fidèle. Je n’ai jamais trompé une fille. Non, jamais. Vous pouvez demander à Emma, elle vous le confirmera. Emma, c’est sans doute la fille qui me connait le mieux sur terre et aussi l’une des rares nanas avec qui je ne coucherai jamais. C’est ma meilleure amie, pas d'ambiguïté entre nous. Ce qui est assez amusant, c’est qu’au lycée, on était tous les deux des « chasseurs » et que pourtant, passer le pas ensemble ne nous a jamais effleuré l’esprit. C’est Zazou qui nous l’a fait remarquer. Roh qu’est-ce qu’ils m’ont manqué pendant ces dix ans ces deux-là, à se voir une fois tous les vingt-neuf février... Mais bon je vais trop vite, je saute la partie la plus importante… Léo.
Boucles d’or. Dès que je l’ai vu, j’ai su qu’elle ne serait pas une proie facile seulement, je n’ai pas pu résister à l’attrait de la chasse. Et plus le temps passait, plus elle me repoussait, plus je la voulais. Pour vous dire, j’ai même recruté Emma pour m’aider à trouver des idées pour la séduire et mine de rien, ce n’est pas rien car je n’avais pas l’habitude d’impliquer qui que ce soit. J’étais plutôt doué avec le sexe opposé, je n’avais besoin de personne seulement pour Léo … Je me suis rendu compte plus tard que ce n’était pas que de la chasse, que ce n’était pas juste pour l’ajouter à mon tableau. J’étais en train de tomber amoureux. Puis, elle a fini par céder et m’a enfin laissé l’embrassé. Je ne voulais pas l’admettre au début, mais j’étais fou d’elle. Pour la première fois, j’arrivais à me projeter dans l’avenir et à m’imaginer dans dix ans avec elle. On avait des hauts et des bas, on passait notre temps à se séparer et se remettre ensemble. Elle était jalouse, bornée et chiante mais je n’étais pas mieux. Vous voyez Noah et Allie dans The Notebook ? Ils se disputent pour rien, l’un s’en va, l’autre le rattrape et hop, ils s’embrassent comme si c’était la première fois. Eh bien, Léo et moi, c’était ça. Le plus drôle, c’est que notre relation plaisait beaucoup à mes parents, ils l’adoraient. Et par association, ils me toléraient.
Un an a passé, puis deux, puis trois et j’ai commencé à paniquer. J’avais dix-neuf ans, j’avais toute la vie devant moi et l’impression qu’elle était déjà toute tracée. Tout ça, ma relation avec Léo devenait trop sérieuse et ça me faisait peur. Seulement, je ne voulais pas la perdre alors je me suis fait violence. Sauf que … sauf que, je suis Baze Larkin. De un, j’ai une poisse hors du commun et de deux, je suis irresponsable. Alors quand Léo m’a appris qu’elle était enceinte, que je l’avais mise enceinte. Je me suis décomposé sur place. J’avais peur que notre relation soit trop sérieuse, mais avec un enfant, c’était pire. Je n’étais pas prêt à être père, je n’étais pas prêt à devenir responsable. Alors … alors, j’ai fait ce que je sais faire de mieux : j’ai pris la fuite. Je suis rentré chez moi, j’ai fait ma valise, piqué un peu d’argent aux parents et je me suis rué à l’aéroport. Il me fallait une destination éloignée, j’ai choisi l’Australie puis j’ai disparu. Callie est la seule personne que j’ai prévenue. En même temps, ce n’est pas comme si j’avais vraiment eu le choix … elle m’a vu préparer mes affaires. Elle a essayé de me faire changer d’avis mais en vain. J’étais terrorisé, je voulais juste partir loin et ne plus jamais revenir. Lorsque les parents l’ont appris, j’étais déjà arrivé à Canberra. Ils m’ont ordonné de rentrer si je ne voulais pas être déshérité, sauf que tout le monde sait comment je réagis quand on me dicte ma conduite : je fais le contraire. De toute façon, l’argent n’avait pas d’importance pour moi. Rien de ce qu’ils auraient pu me dire ne m’aurai fait changé d’avis. Je voulais oublier. Oublier à quel point j’étais lâche.
Je n’avais pas d’argent et nulle part où aller. Je dormais dans la rue tel un sans-abri. Mais c‘est ça. J’étais sans-abri. J’étais passé de fils de riche à mendiant en même pas une semaine. A ce moment-là, pour moi, la vie n’était qu’une belle blague. Je n’étais pas croyant mais j’en voulais à Dieu, je lui en voulais de m’avoir permis de voir le jour. Je ne méritais pas de vivre. Puis les jours ont défilé et je suis tombé malade. Une grosse grippe ou quelque chose comme ça. J’ai vraiment cru que c’était la fin, que j’allais mourir et que ce serait une bonne chose, seulement un vieil homme a eu pitié de moi et m’a pris chez lui. Je ne me souviens même pas comment j’ai atterrit dans son salon mais une chose est sûre : il m’a sauvé la vie. Je lui en ai voulu pour ça d’ailleurs mais pas très longtemps. Il m’a fait comprendre que ce n’était pas parce que j’avais fait quelques erreurs que cela voulait dire que tout était fini. Contrairement aux autres, il ne m’a pas ordonné de rentrer chez moi et d’assumer mes responsabilités. Non, il m’a juste dit qu’un jour, je ferai le bon choix. Je ne savais pas trop où il voulait en venir à l’époque mais aujourd’hui, je sais qu’il avait raison. Il m’a pris sous son aile, m’a offert un job dans sa boutique de surf et m’a permis de rester chez lui le temps que je me trouve un appartement. En neuf ans, il ne m’a jamais laissé tomber, il a même réussi là où mes parents ont échoué. Il a gagné mon respect et mon admiration. Ce vieil homme aura été là pour moi, du début à la fin.
L’Australie m’aura réussi. J’y ai vraiment été heureux, j’ai rencontré des gens géniaux comme Rory par exemple. Avec elle, c’était simple. On était juste bien tous les deux. Proches et partenaires sexuels mais jamais on a parlé de couple ou de sentiments. On était juste nous et c’était chouette. Puis, elle est partie et la vie a normalement repris son cours. Je n’étais pas triste car je savais que je la reverrai. Je n’aurai juste pas cru que ce serait à Pasadena mais passons. En neuf ans, je n’ai jamais perdu contact avec Callie. Elle me tenait au courant de tout ce qui se passait par chez nous. Comme le fait que Léo ait gardé le bébé et que ce soit une petite fille nommée Stella. J’ai toujours fait la sourde oreille car je voulais oublier mais en vrai, ça avait beaucoup d’importance pour moi de savoir. Je n’aurai jamais pensé que je regretterai d’être parti et pourtant ça a toujours été le cas. Mais voilà, je suis moi et je ne pouvais me résoudre à rentrer. Alors dès que Callie m’envoyait une photo de Stella, je la mettais dans mon portefeuille. Si Léo savait ça, je pense qu’elle me frapperait. Après tout, je n’ai aucun droit. J’ai fait mon choix … et je suis parti.
Quand on m’a appelé pour me prévenir que le vieux propriétaire de la boutique de surf était à l’hôpital, je me suis précipité à son chevet. Il était très malade, il avait du mal à respirer et on pouvait voir que c’était la fin mais je ne voulais pas y croire car je ne voulais pas me retrouver seul. Car pour moi, il était comme le père que je n’avais pas eu. Je suis resté à ses côtés jusqu’à ce qu’il pousse son dernier souffle. Il était trois heures du matin quand j’ai quitté l’hôpital. J’ai attrapé ma planche et je suis allé sur la plage. Je n’ai pas hésité une seule seconde à me jeter à l’eau pour me faire quelques vagues. Je savais à quel point c’était dangereux mais j’étais mal. Et bien sûr, j’ai agis comme un idiot. Parfois, je ne me comprends pas moi-même. Honnêtement, je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. Je sais juste qu’une vive douleur m’a pris dans la jambe, puis dans la tête et ensuite … le noir total. La seule chose à laquelle j’arrivais à penser, c’était Léo. Je la voyais en train de jouer avec Stella, avec notre fille. Ma fille. Lorsque j’ai ouvert les yeux, Callie était là. Elle semblait très inquiète et de nouveau, je me suis senti très con. Et elle m’a engueulé, me disant que je devais arrêter mes conneries, que je devais rentrer à la maison, que j’avais assez fuit et qu’il était temps que je reprenne ma vie en main. Elle avait raison, je ne pouvais pas continuer comme ça. Alors après quelques mois, le temps de me rétablir, j’ai finalement décidé de rentrer. J’étais terrorisé mais il le fallait.
Pasadena n’a pas beaucoup changé en dix ans, j’ai vraiment l’impression que c’était hier que je suis parti et pourtant, ça date. Callie m’héberge le temps que je me trouve un boulot car retourner chez les parents n’est juste pas envisageable. Après tout, ils m’ont clairement dit que je n’étais plus le bienvenu. Je n’ai pas encore croisé Léo mais j’ai vu Stella, enfin de loin. Je n’aurai jamais osé aller la voir sans l’accord de sa mère. Je pensais revenir pour pouvoir former une famille avec Léo mais j’ai entendu dire qu’elle avait refait sa vie avec un écrivain, je suis content pour elle. Je le pense vraiment. Je ne veux pas briser sa vie, je l’aime trop pour ça. Je veux juste me racheter auprès d’elle et avoir une chance de me faire une petite place dans la vie de Stella.