[color=grey]Tu veux que je te raconte ma vie? T'es sûr de ça? Parce que le psy du lycée a vite abandonné l'affaire lui. Enfin, il a pas abandonné, franchement, mais il s'est tout de même rendu compte qu'il n'y avait plus rien à faire pour moi. Il y a des cas, comme ça, désespérés. C'est pas un appel à l'aide quand je dis ça, contrairement à ce qu'il a pu dire au départ. Non, ça n'a rien d'un appel à l'aide, c'est juste du réalisme. Et tu sais quoi? Je m'en contrefous. D'être bon à rien. Je suis un cas désespéré, et alors? Au moins, on ne place guère d'espoirs en moi. Pas d'espoirs infondés en tout cas. Quoi qu'avec mes frères et sœurs, ya encore trop de gens qui compte sur moi pour faire ce que je dois faire. Et même en étant un "imbécile de bon à rien inutile et parasite", pour citer mon père, j'arrive pas à lâcher l'affaire avec eux.

J'écoute d'une oreille distraite mon père qui me raconte je sais pas quoi. Il me fait surement la morale, me dit que je vais finir comme lui, à l'usine. Qu'ils n'ont pas à donné quoi que ce soit pour moi, que je ne vaux rien, que ce n'est pas faire des études qui y changera quoi que ce soit. Je fais semblant d'être parfaitement attentif tout en mangeant mon repas du soir. Oui, je mange en décalé parce que je suis rentré tard. Je bosse en tant que vendeur dans un magasin de fringues après le lycée. Mes parents ont pas vraiment compris que j'aille plus loin que le collège et je crois que ça les a un peu emmerdé que je ne ramène pas directement de l'argent à la maison. Du coup, pour les calmer, j'ai pris un boulot. C'est pas comme si j'avais besoin de bosser mes cours de toute façon, j'ai pas l'intention d'aller au delà de la terminale dans mes études. Du coup, je suis rentré plus tard et j'ai pris le temps de mettre tout le monde au lit avant d'aller manger. Si on écoutait les parents, on pourrait se coucher à minuit tous les soirs. Ils s'en foutent un peu. Pas qu'ils soient des mauvais parents, quoi que si mais ça, c'est parce que je suis un peu trop impliqué pour être totalement objectif. Bref, ils aiment leurs gosses, ou la majorité d'entre eux, c'est juste qu'ils ne comprennent pas qu'un gamin peut avoir besoin de règles, de structures. Moi, j'en ai pas eu. J'sais pas si c'est ça qui a fait de moi qui je suis, mais je veux que les autres aient les meilleures chances dans la vie. Du coup, je les ai mis au lit. Et après leur avoir lu leur histoire et être resté une demi-heure à côté de Magnolia pour qu'elle s'endorme malgré l'orage dehors, j'ai enfin pu descendre pour manger. Et c'est là que mon père a commencé à m'emmerder avec ses histoires. Alors je fais semblant de l'écouter, parce que je n'ai pas envie qu'il se mette à parler plus fort, à crier... Ça, ça réveillerait la tribu sans aucun doute, et je préfèrerais éviter. Ya déjà l'orage qui les perturbe, pas besoin que le paternel les traumatise en bonus. Et puis il va finir par abandonner, il abandonne toujours. Il comprend bien, au fond, que ce qu'il dit de moi, je le sais déjà. Que je suis un bon à rien. Que je finirais comme lui, un minable alcoolisé avec une famille pas franchement voulue, une femme dépressive et une maison dégueulasse. Que je bosserais pour un salaire de merde afin de maintenir un niveau de vie minable. Il finit toujours par abandonner parce que ce qu'il peut dire ne m'atteint jamais et que de toute façon, je ne prendrais jamais la peine de le contredire.

Oui, ma famille c'est quelque chose d'assez spécial... C'est sûrement pour ça que j'ai une fâcheuse tendance à la séparer du reste de ma vie. Il y a eux, et il y a le vrai monde, des vrais gens. Un monde de merde et un monde meilleur. Pas besoin qu'on y croit en moi, juste qu'on ne me parle plus de responsabilité. Être libre. Ne plus penser au reste de ma famille, à Magnolia à qui je dois raconter l'histoire du soir, à la fratrie pour laquelle je ramène de l'argent, pour les nourrir décemment. Parce que mon père les nourrirait de pâtes s'il le pouvait, pour avoir plus d'argent pour s'acheter son alcool. Non, j'arrête de penser à tout ça, et je découvre le monde extérieur. Je découvre même qu'il existe des familles tellement cools. En même temps, Abby est elle-même tellement géniale, il n'aurait pas pu en être différemment de ses parents et de ses frères et sœurs.

On est tous les deux planqués sous sa couette à rire bêtement. La chambre est un vrai bordel et on a piqué toutes les couvertures qu'on a pu trouver dans la maison, mais notre fort est au top. Et puis j'ai vu sa mère nous jeter un regard suspicieux, j'suis sûre qu'elle sait. Et elle est pas venue nous dire d'arrêter donc tout va bien. En même temps, les parents d'Abby sont un peu des anges. Franchement, j'en reviens toujours pas. Six ans que je connais Abby, six ans qu'elle me ramène chez elle dès qu'on en a l'occasion et pourtant, je ne me suis toujours pas fait à la famille Bing. Parfois, je l''envie un peu, j'avoue. Juste parfois. Parce qu'au fond, j'aime mes frères et sœurs. Mais c'est pas le moment pour y penser. Abby colle la lampe torche sous son menton, c'est à son tour de raconter une histoire d'horreur. Elle hésite et fini par m'adresser un grand sourire. « Il était une fois nous, mariés l'un à l'autre, à quarante ans. » Je la regarde avec horreur, ce qui lui arrache un rire. Oui, elle a trouvé le pire des scénario. « C'est bon, je capitule, tu as gagné. » Elle lève les bras en l'air, signe de joie immense, faisant tout de même attention à ne pas taper dans une zone sensible de notre fort. Faudrait pas qu'il s'écroule! Et puis elle commence à faire une danse de la joie, mais assise parce que ça serait chiant de se lever. Du coup, ça ressemble plus à un dandinage stupide. « Si je veux joindre la famille, je choisirais la grande sœur. » Au tour d'Abby d'avoir l'air choqué. Je dirais même outrée. « Carrément?! Tu préfères ma sœur à moi?! » Je rigole doucement et me jette sur elle pour un calin de la mort. « Ca se saurait si un jour je te préférais qui que ce soit. » Et elle a le droit à un gros bisou sur la joue. Moment sentiments. On y croit. Ça la fait marrer. « Mais ouais, je me marierais avec n'importe qui plutôt que toi. » Elle lève les yeux au ciel. « On pourrait se marier juste pour adopter un chien hein. On serait pas obligé de coucher ensemble. » Hein? Adopter un chien? C'est toujours mieux qu'un enfant, mais... pourquoi? Je la regarde, dubitatif, et elle finit par abandonner d'un haussement d'épaules. « Mais franchement? Emma? Pourquoi pas Zazou? Il sait cuisiner lui au moins. » « Trop vieux. » « Et Link alors? Tu pourrais faire le con en permanence avec Link, pas de risques de divorce entre vous... » Mh... J'avais pas songé à ça... Mais en même temps, c'est pas pour le côté vie de couple que j'avais choisi Emma hein, c'est plutôt pour le côté "nana la plus canon de l'univers". « Ouais, mais on invitera le vieux beau-frère pour faire à manger et j'pourrais toujours voir Link pour faire des conneries sans qu'on soit mariés. En attendant, j'prefère avoir un devoir conjugal avec ta sœur! J'dirais franchement pas non à... » Je me prends un coussin dans la gueule et explose de rire fasse à Abby qui lève les yeux au ciel. « Trop vieille pour toi, tu feras jamais l'affaire. Et puis, tu peux pas trop l'impressionner niveau conneries, j'veux dire, elle a eu moi et Link en frangins. » Oui, elle dit frangins en parlant d'elle, mais c'est tellement plus simple comme ça. C'est vrai qu'avec Emma Bing, je sais que je n'ai aucune chance, et j'ai même pas envie de tenter l'affaire. C'est la sœur de Abby, c'est la femme parfaite et voilà. Quoi? Abby? Non, Abby c'est pas la femme parfaite. Abby c'est mon double, Abby c'est l'être humain parfait.

Et voilà, c'est ça ma vie à l'extérieur. C'est Abby. Depuis le lycée, c'est aussi Zachary. J'aime être avec eux, parce que tout paraît tellement plus simple. Et il n'y a même pas besoin de se prendre la tête. On se dit tout, toujours tout. On se balance les pires conneries et on rigole bien. On rigole de nous, on rigole des autres... Certains vous dirons qu'on est une bande de con, mais il paraît que de toute façon, c'est automatique au delà de deux, non? Il aurait pas fallu qu'on accepte Zach, c'est ça que tu veux dire? Mais comment on pourrait lui dire non, à lui?

Il est en train de tenter d'ouvrir son casier tant bien que mal sans comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas. « C'est 9-1-3. » Il me lance un regard soupçonneux. « Non, c'est 9-1-4. » J'affiche alors une moue un brin ennuyée. Oups, je pensais pas m'être planté sur ce point pourtant. J'avais bon pour l'ouvrir et mon cerveau a du avoir un bug au moment de le fermer. « Oups, je l'ai mal remis alors... » Il me regarde d'un air un peu plus soupçonneux. Je crois qu'il ne comprends pas bien ce que je fais là à lui avouer que je me suis infiltré dans son casier. Bah quoi, c'est pas comme si je lui avais volé ses sous ou son goûter. Je suis sûr qu'il a un goûter trop équilibré pour être bon de toute façon. Oui, ça arrive. Moi j'aime les beignets, les donuts, les trucs gras! Yum yum. Et puis de toute façon, j'ai un corps de rêve dans faire trop d'efforts, alors j'en profite. Mais non, je ne vole pas les goûters des autres. Enfin pas le sien, yaurait pas de défi. Je sors une copie de mon sac et la lui tend alors qu'il ouvre enfin son casier en suivant mes instructions et tente de repérer rapidement ce qui lui manque. « Tiens, je crois que ça t'appartient. » « Hein? » Il ne suit pas grand chose à la vie lui. Oui, je lui ai piqué son DM de maths dans son casier, oui, je le lui rends maintenant que Abby et moi l'avons recopié. Ça va, je suis gentil là. Me regarde pas avec cet air de paumé mec. Qu'est-ce qui t'arrive? C'est pas la mort quand même, que j'ai fouiné dans ton casier pour un devoir de maths. C'est pas comme si tu y cachais des trucs louches. Contrairement à d'autres... Non voyons, ce n'est absolument pas une habitude chez moi de fouiner dans les casier qui ne m'appartiennent pas. J'vois pas ce qui vous fait dire ça. Bon, c'est vrai qu'avec Abby, on a pris l'habitude de faire chier les quaterbacks en volant des trucs dans leurs casiers, en tout mélangeant, ou en y mettant des conneries dont ils auront honte. Nous sommes bêtes, et alors? BREF. Il finit par récupérer son devoir et hausser un sourcil suspicieux en réalisant ce que c'est. « T'inquiètes hein, j'ai fait que recopier les réponses... » Il a toujours l'air méfiant comme ça? Il croit quoi, que je vais lui foutre la tête dans les chiottes en bonus? J'ai l'air de faire du football moi? En tout cas, il est pas bavard! « ROUSSEL! Oh, toi je te tiens! Qu'est-ce que tu fous-là?! » Je lève les yeux au ciel avant de me tourner vers ce cher prof de sciences qui m'adore tellement et cherche toujours à me pourrir. « Je discute avec mon cher camarade. » Il regarde Zachary avant de reporter son regard sur moi avec un air moqueur. « Tu ne connais même pas son nom. » « Zachary. » Facile, c'était un peu marqué sur son devoir quand même. Pas que j'ai une mémoire d'enfer, mais je viens de le lui rendre. Et puis on est en cours ensemble aussi. C'est vrai que je m'intéresse pas franchement aux autres, mais les prénoms, je retiens. C'est la vie. Et ça emmerde bien mon prof qui commencent à rager, doucement mais sûrement. « Toi! » Il interpelle le petit brun en le montrant du doigt. « Il a essayé de t'ennuyer? Il voulait te voler ton devoir? » Zachary le regarde, me regarde et reporte son regard sur le prof avec un haussement d'épaule. « Non, on travaillait ensemble à la bibliothèque. J'y ai oublié ma copie et il me l'a ramenée. » Je ne peux m'empêcher de le regarder, un peu con, les yeux écarquillés. Et voilà, on voit la fumer sortir des oreilles de notre cher enseignant. Ou presque. « Bien, joue au malin, tu le regretteras. » Non mais oh! On ne menace pas mon Zachary comme ça! Oui, je ne lui ai jamais parlé avant aujourd'hui, mais il devient mon Zachary dès aujourd'hui. C'est moi qui décide. Le prof s'en va aussi vite qu'il était venu. Il sait que ça ne sert à rien. Il n'a pas réussi à me coincer, il ne réussira pas. Il réessaiera plus tard. Le brun referme son casier et s'en va sans un mot en plus. Hum. Le dilemme. Le laisser s'enfuir..? Oh, Abby l'aimera bien aussi, c'est forcé! Je m'élance à sa suite et lui passe mon bras autour des épaules. « Au fait, moi c'est Eric. T'as prévu de manger où ce midi? » Il lève les yeux vers moi sans oser virer mon bras. Je crois qu'il n'a pas trop compris la question. « Rien? Mais c'est parfait ça, tu manges avec nous. »

Et après, on s'étonne que je l'adore ce petit Zach. Il m'a tout de même sauvé les fesses, et du coup, Abby et moi, on s'est chargé de lui sauver les siennes pour le reste du lycée. Je sais pas bien pourquoi il s'est intégré à notre groupe, mais il l'a fait et c'est tout. Bon, c'est sûr, il n'a pas eu autant de succès avec les filles que nous. C'est sûr qu'il n'a pas partagé nos discussions passionnées avec Abby concernant le fait de savoir qui avait le plus beau tableau de chasse. Il se contentait de jouer les arbitres en se marrant bêtement. Mais il peut faire l'innocent. Maintenant, que j'ai ramené Ariel, tout s'explique. Monsieur est du genre à être l'homme d'une seule femme. En plus de ne pas être un tombeur. Forcément, ça lui simplifie pas la vie. Il avait besoin de choisir Imogène? Franchement, celle-là, elle est grave dans le genre. Si je ne craignais pas qu'on me sorte que je suis une princesse, je dirais bien qu'on se ressemble beaucoup trop tous les deux. Tant mieux que je ne l'ai rencontré qu'après Ariel. J'aurais pas voulu m'intéresser à la femme qui fait vibrer le cœur de notre petit Zachary.

Abby a ralé mais j'ai fait comme si je ne l'entendais pas et elle a fini par abandonner pour se foutre de ma gueule avec Zach. Forcément, comme si c'était plus constructif. Enfin, moi ça me va tant qu'elle me suit à cette nouvelle table dans notre bar habituel. Oui, le patron m'a demandé ce qu'il se passait quand on a changé de place, mais que voulez-vous, le monde change, les gens évoluent!! Ou pas. Faut pas croire hein, c'est pas destiné à durer. On peut agrandir le groupe pour quelques temps, se mêler à la foule, aux gens "ordinaires"... Mais une fois que j'aurais eu ce que je veux, ce sera à nouveau juste Abby, Zach et moi. Aaron compte pas vraiment, il est trop gentil. Quand il s'ajoute, il dérange même pas. Un vrai ange. Par contre, quand je décide qu'on squatte avec Ariel, je peux vous assurer que ça se ressent. Parce qu'elle a un groupe d'amies toutes plus dingues les unes que les autres, mais surtout parce que déjà, toute seule, on ne peut pas la louper. Les remarques acerbes, les regards qui vous feraient fondre un Zachary, l'air méchant... Certains demanderaient pourquoi j'ai craqué pour ça. En fait, ils le demandent vraiment Abby et Zach. Surtout Zach. Le truc, c'est pas franchement que j'ai craqué, c'est surtout que je veux l'avoir. Comme Tom Sawyer et l'Amérique. Si vous captez pas la référence, je ne peux rien pour vous... (L'amérique, l'amérique, je veux l'avoir et je l'aurais!!♫) Alors oui, on se retrouve à cet table avec le groupe. Et au bout d'une heure, le voilà au complet. J'ai enfin rencontré les folles qui supportent Ariel. Le contraire semble être moins sûr vu comment la blonde semble ignorer la moindre de ses réactions. Comme si elle prévoyait d'avance que, de toute façon, elle l'exaspèrera, donc tant pis. Mais bon, elles font un super quator. Une blonde, une rousse et deux brunes qui sont totalement opposées... Yen a pour tout les goûts. Bizarrement, j'ai cru entendre Zach faire un bruit étrange quand la blonde est entrée... Il irait pourtant beaucoup mieux avec la gentille brune. Oui, oui. Il lui faut une gentille brune à ce garçon, un petit rayon de soleil comme Jodie. Pas une princesse comme Imogène. Je lui expliquerais la vie plus tard. Parce que pour le moment, je suis trop occupée à savourer le fait que mes machinations ont parfaitement fonctionné. Même si on les rencontre pour la première fois, je sens que ça peut très bien se passer. Avec Marnie qui balance des saloperies autant qu'Abby et Jodie qui sympathise avec une facilité folle avec Zach et Aaron... Oui, les alliances se forment. Je sens que ça va être parfait. PARFAIT. Des fois, je suis un génie sans le vouloir, que voulez-vous!

C'est vrai qu'en ce moment, je fais une fixette sur cette rousse. Allez pas croire que ça m'empêche d'aller voir ailleurs hein. Elle se refuse à moi, et moi, j'ai des envies. Qu'y puis-je si je suis un faible homme. J'ai commencé à découvrir les filles en essayant de choper les chearleaders quand Abby se ramassait les beaux-gosses de l'équipe de foot... Oui, on a directement visé le top du tableau. Allez savoir pourquoi on a plus à ce genre de personne. On ajoutait sûrement à leurs vies bien mornes la touche de rebellitude nécessaire à ce qu'elle ne soit pas mortellement ennuyantes. Si si. Maintenant, Abby s'est casée et je reste le seul tombeur... Ça gâche un peu le jeu, mais bon, on s'y fait. Si je ne draguais plus, je m'emmerderais.