Alice & Edvin

Il faut croire que dans cet appartement, elles n'aiment pas dégager plus d'un mur à la fois. Je ne vais pas non plus me plaindre de devoir revenir, mais c'est tout de même un comportement étrange. Peut-être qu'elles cachent des trucs sous les tapis, derrière les armoires, ou je ne sais quoi. Genre des trucs tellement immenses que si elles bougent tout, elles n'auront plus de place où les mettre. Et genre, c'est secret défense, et ce serait très embarassant si ce n'était plus caché. Genre une machine à voyager dans le temps. Oui, c'est dangereux. Parce que si tu utilises une machine à voyager dans le temps, tu risques de modifier le passé. Et si tu le modifie, par un long et complexe système de cause à effet, tu modifies le présent. Et tu peux avoir tué l'inventeur de la machine sans t'en rendre compte. Et du coup, ça devient impossible que ça fonctionne, et du coup, l'espace-temps bug, et l'univers disparaît. Dire qu'il y en a encore qui veulent qu'on invente le voyage dans le temps. Ils ne comprennent rien à l'effet papillon, hein? Moi, je sais que c'est dangereux. J'y ai bien réfléchis. Pas en faisant la peinture, c'était avant. Ça fait un moment que j'ai un avis tranché sur les machines à voyager dans le temps. Je crois que ça date de certains cours de sociaux, plutôt chiants. Ouais, ça doit dater de la fac. Aujourd'hui, je pense à d'autres choses. Comme le cas Bruce Dunphy. Je me demande où et comment il a trouvé cette source de jouvence. Forcément, je ne peux pas partager mes doutes, je ne peux pas en discuter avec quelqu'un d'autre, il ne faudrait pas que ça s'ébruite. Peut-être est-ce ça que Alice dissimule chez elle, vu qu'elle est amie avec Bruce... Si ça se trouve, je suis tout près de la source de jouvence sans m'en rendre compte!! En même temps, je ne sais pas à quoi ça ressemble. En même temps, c'est pas pour la chercher que je suis là, c'est pour peindre. C'est pour ça que je suis torse-nu, avec un rouleau de peinture à la main. Je regarde un instant les autres murs que j'ai fait. Deux murs sur quatre, j'avance lentement mais surement. Et puis, c'est plutôt du bon travail. Je crois que j'ai trouvé ma voie. Enfin, jusqu'à ce que je me décide à changer de ville. Ou jusqu'à ce que Bruce me vire pour revenir à chaque fois ici alors que je ne peins qu'un mur par visite. Et qu'on me gave de pâtisserie. Étrange d'ailleurs, Aspen avait passé la dernière fois à m'observer pendant que je faisais mon travail mais elle n'a pas l'air de s'être prêtée à l'exercice aujourd'hui. Elle devait avoir mieux à faire. Peut-être qu'elle avait peur que je découvre la source de jouvence, genre que je fouille dans leurs affaires en refaisant la peinture. Comme si c'était mon genre. Je me contente de recouvrir ce qui est trop prêt de couvertures plastiques afin de limiter les dégâts, de déposer mon sac avec mon tee-shirt dans un coin de la pièce, et de me mettre au travail. J'suis pas un fouilleur. Surtout que je ne saurais pas par où commencer. Je ne voudrais pas que Alice me trouve en train de mettre son appartement sans dessus dessous. Pour trouver une hypothétique source de jouvence ou une machine à voyager dans le temps. Je n'ai pas envie qu'ils m'envoient à l'asile. Alors je fais mon travail avec sérieux et dévouement.

Ce qui signifie peindre les murs avec ce talent inné. C'est vrai que le travail n'est pas bien complexe, mais il faut faire attention à ne pas faire de traces de pinceau, tout ça. Bon, vu que j'y vais au rouleau, c'est vrai que ce serait compliqué de faire des traces de pinceau... C'est vrai... Mais toujours est-il qu'il faut que je fasse mon travail à la perfection. Parce que je ne sais pas si vous avez déjà croise mademoiselle Alice McCorner, mais elle sent le perfectionnisme à quinze mètres. Déjà, elle n'aime pas les gens qui n'arrivent pas à l'heure, et ensuite, elle est elle-même parfaite. Donc, il faut que je fasse tout bien, sinon, elle va me dénoncer à mon patron. Certes, Bruce est un gars bien (même s'il ment sur son âge, mais c'est secondaire), mais Alice est son amie. Et elle me semble être le genre d'ami à qui on ne dit pas non. Pas qu'elle soit terrifiante, juste que je suis sûre qu'elle peut l'être si elle y met du sien. Enfin, je suis un homme courageux, moi. Je repeins son magasin, son appartement... Et franchement, ça ne me ferait même pas peur de faire plus ample connaissance. La seule chose qui m'effraie, ce serait qu'elle découvre que c'est moi qui lui ai balancé son frangin dans les pattes. Et le connaissant, il le lui balancera tôt ou tard. Quelle bêtise ai-je donc faite? Il faut être fou pour croire que Tucker pourra être au goût d'Alice. Peut-être que les liens du sang lui feront supporter ce sale gosse hyperactif? Allons Edvin, tu sais bien que trop espérer ne sert à rien, je finirais seulement par être déçu. Et puis, je verrais bien assez tôt ce qui arrivera. Je reverrais bien assez tôt Tucker pour qu'il me raconte combien cette rencontre a été un succès. Même si elle l'envoie chier, il sera persuadé que sa sœur l'adore, sûrement. A moins que j'ai trop de préjugés et qu'elle adore le supporter en mode Koala. Je la vois tellement avec son demi-frère en mode sac à dos... Mais inutile de penser à tout ça! Un peu de concentration Edvin! Fini de penser à Tucker et à ma mort prochaine. Penser peinture. Pour une fois que je suis seul à peindre dans un appartement vide, j'arrive pas à me concentrer. Il faut croire qu'il me manque une case.

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Oops, sorry, I fell for you. Against, I said against you!

« Aspen ! ASPEN !! » J’entre en trombe dans sa chambre. Sauf que ah ! Et si jamais Tyler est là avec elle ?! Immédiatement, je me masque les yeux. « TYLER RHABILLE TOI JE NE TIENS PAS A AVOIR TES FESSES GRAVÉES DANS MA MÉMOIRE ÇA ME FERA FAIRE DES CAUCHEMARS !! » Je ne dis pas qu’il est moche, ne nous méprenons pas, juste qu’il est à Aspen. Et puis c’est Tyler. Le mec de dix-huit ans qui a abusé de la naïveté d’une petite fille de quatorze ans pour la déflorer. Soit… Aspen n’aimerait pas m’entendre dire ça (ou le penser) mais moi je ne fais que dire la vérité. C’est un vautour. Cet homme est un vautour ! D’ailleurs, un homme n’aurait jamais abusé d’une enfant. C’était un gamin immature à l’époque. Un gamin immature majeur. Et pire ! Un gamin immature majeur et lâche qui a cessé de lui donner des nouvelles par la suite. Que fait-elle avec lui d’ailleurs ? Comment sont-ils retombés l’un sur l’autre ? Tiens… j’ai un trou de mémoire là-dessus. Et non, je ne poserai pas la question à Aspen sinon elle va m’en parler pendant des heures. Quoi que, à l’occasion, ça la sortira de sa déprime. C’est une idée à garder dans un coin de ma tête. Cependant, je dois bien avouer qu’il a été d’une grande aide ce gamin immature majeur. Enfin il n’est plus ce gamin immature majeur désormais. Roh je m’égare totalement ! « Vous êtes habillés ? Attention j’ouvre les yeux ! » Il a vraiment aidé quand monsieur Forman est décédé… et quand on a découvert la bipolarité d’Aspen. Il a été présent pour elle, ne l’a jamais laissé tomber. Je suis vraiment heureuse qu’elle ait trouvé son prince charmant après tout. Même s’il avait plus l’allure du crapaud au commencement. Dans le comportement, bien entendu ! « Bien donc Aspen il faut que tu m’expliques quelle folie t’est passé par la tête pour laisser entrer ce… Aspen ? » Je cligne des yeux. Non, je ne rêve pas… Elle n’est pas là. Mais enfin où peut-elle être ? J’ai largement eu le temps de préparer ma célèbre tarte au citron (qui me prend bien une heure de préparation, j’aime prendre mon temps) et je ne l’ai pas vu passer. Oh mon dieu ! ELLE A DÉCOUCHÉ !!! Oh elle va m’entendre !

Ou alors… Ou alors elle est encore en train de regarder Edvin travailler ? Mais… l’aurai-je loupé en traversant le salon ? Elle est petite, c’est vrai. Et je mentirai en disant que je la cherchais. Quand je traverse le salon, je ne peux m’empêcher de regarder Edvin. Il est tellement… graou. En plus, chaque fois qu’il fait de la peinture, il le fait torse-nu. C’est un tel délice pour le regard. Non mais sans rire quoi ! Il faut le voir ce mec comment il est monté ! Ahlala. Je me demande à quoi ressembleraient ses enfants… ? Simple question comme ça, sans aaaaaaaaaaaabsolument aucune arrière pensée ! Non, du tout. Je dois donc, hm, oui aller demander à Edvin s’il a vu Aspen. Comment je suis ? A quoi je ressemble ? Je m’arrête devant le miroir d’Aspen. Oh mais j’ai l’air d’un sac ! Et je lui ai ouvert la porte comme ça ? Enfin c’était avant de faire ma tarte au citron, mais déjà après mon fondant au chocolat. Dès le matin je cuisine, c’est mon petit bonheur. Mais j’ai une mine affreuse ! Il faut que je me change ! Je file jusqu’à ma chambre en longeant les murs, je ne dois pas être vue dans cette tenue affreuse. En plus, j’ai de la farine sur les seins. Sur ma robe. Que vais-je mettre ? Oh je sais ! Ce jeans que je me suis achetée l’autre jour, il me fait un petit cul d’enfer ! C’est Aspen elle-même qui me l’a dit. Et avec ce petit top sexy MAIS surtout élégant, je serai à mon avantage. Et puis je vais relever mes cheveux. Oh et tant qu’à faire, je vais me remettre un peu de rose sur les lèvres. Est-ce vraiment utile ? Oui, je dois être jolie ! Pourquoi ? Euh… PARCE QUE ! Non mais, je t’en pose des questions !

J’arrive dans le salon, grand sourire aux lèvres et… oh même de dos il est sexy. Je me demande, s’il se renverse de la peinture sur lui, je pourrais éventuellement lui proposer la salle de bain et… et alors je l’aiderai à se laver parce qu’il ne connaît pas la tuyauterie de notre appartement oh mais peut être qu’il s’y connaît très bien aussi en tuyauterie et qu’il pourra me donner un cours très privatisé et qu’il… qu’il… hm… Alice, ressaisis-toi ! Je me passe une main sur le front, lisse mon pantalon et je me racle la gorge. « Excusez-moi de vous déranger en plein travail, Edvin, mais je hm… » Ouh il me regarde ! On reste calme ! On reste calme ! « Avez-vous vu Aspen, par hasard ? » Je souris. Et on reste calme. Oh bon sang ce qu’il est beau ! Et attends qu’il parle. Son timbre de voix résonne encore dans mes oreilles. Ça vibre. Il a une voix tellement sensuelle. Ce gars est comme… le dieu du sexe ! Ou de la sexualité. De la sensualité ? Oh je ne sais pas mais bon sang il est terriblement sexy ! Même Aspen le dit ! Elle l’appelle Legolas. Même quand il est là, elle me dit que Legolas a de belles fesses. Est-ce qu’il sait qu’on parle de lui ? Ou pense-t-il qu’on parle de cet elfe dans… c’est dans quoi déjà ? Le seigneur des étoiles ? Ou Star Ring ? Dans l’un des deux ça c’est sur ! Je crois même qu’il est l’oncle ou le… frère de princesse Leïla ? Je ne suis pas sûre de son prénom.

« Je la pensais dans sa chambre, alors du coup j’y suis allée mais… » Oh mon dieu ! M’a-t-il entendu hurler après Tyler qui n’était même pas là ? « Hm, je ne sais pas où elle est et je dois lui parler urgemment. » Tout en disant ces mots je traverse le salon pour me rapprocher un peu plus. Et plus je me rapproche, plus mon rythme s’accélère (il est tellement grand, tellement beau). « Je ne suis même pas sûre qu’urgemment se dise après tout. » Je secoue la main et ferme les yeux un instant (oui je me passe cette même main sur le visage). « Et donc je… oh ! » Dans quoi j’ai marché ? Dans quoi j’ai marché ? AH ! J’ai mis le pied dans ce truc de peinture ! MA CHAUSSURE ! « Ah non ! » Je secoue le pied pour me dégager mais je perds l’équilibre et je pars en avant, à la renverse, littéralement ! « Aaah ! » Je me sens tomber à la renverse sur Edvin et mes mains se posent sur son torse chaud (si je n’avais pas le pied dans la peinture et que je n’étais pas en train de tomber, je perdrais mes moyens) et sous le choc de ma chute, ça le pousse en arrière. C’est le mur qui l’a arrêté. Le mur… fraichement peint… d’il y a un instant… Je viens de le pousser contre le mur. Il doit être plein de peinture ! Il doit être… et ma chaussure ! Et… oh. Je sens sa main dans le creux de mon dos. Ouh il fait très très chaud dans cet appartement tout d’un coup, je sens que je vais faire un malaise, non ? Oui tout à fait, il fait démesurément chaud, c’est inconcevable une telle chaleur ! Les radiateurs ont dû se rallumer, je ne vois aucune autre explication ! « Je… suis… vraiment désolée ! » Je me demande si… va-t-il y avoir sa trace sur le mur ? La silhouette d’Edvin sur le mur de notre salon… il faut absolument baisser ces radiateurs, je vais défaillir !

Alice & Edvin

« Excusez-moi de vous déranger en plein travail, Edvin, mais je hm… » Je me retourne pour voir Alice, fraîche comme toujours. Cette femme à le talent fou de toujours être parfaitement habillée, chic, le sourire... Focus Edvin! Elle voulait sûrement te demander un truc, pas la peine de t'emballer sur combien ses cheveux sont splendides et que le fait qu'ils soient relevés donnent à son coup une courbe... HUM. Focus on a dit. « Avez-vous vu Aspen, par hasard ? » Ah oui, Aspen, je me doutais un peu qu'elle la cherchait un moment, elle criait des choses à son encontre. Enfin, j'ai supposé que c'était à son encontre parce que je présume qu'Alice McCorner n'est pas le genre de femme à crier seule chez elle, sans raison. Après, je me trompe peut-être. Pour ce qui est de ce qu'elle criait, je n'ai pas vraiment fait attention, je n'écoute pas les conversations des autres moi, je suis bien élevé! Oui oui! Surtout du haut quand je grimpe sur mon échelle pour peindre le plafond. Voyez-vous, en plus d'une bonne éducation, j'ai un sens de l'humour tout bonnement hilarant. Hilarant vous dis-je. Il fait au moins rire mes mères.

« Je la pensais dans sa chambre, alors du coup j’y suis allée mais… » De quoi? Ah oui, Aspen. La jolie brune marrante avec qui elle partage l'appartement. « Hm, je ne sais pas où elle est et je dois lui parler urgemment. » J'ai lâché mes accessoires de peinture. Elle veut que je l'aide? Il faut fouiller sous les fauteuils, dans la cachette de la fontaine de jouvence? C'est ça? Aspen a volé la fontaine? C'est pour ça que je ne l'ai pas trouvée et que les filles de cet appart sont aussi jolies? « Je ne suis même pas sûre qu’urgemment se dise après tout. » Je me demande un instant si elle sait qu'elle dit ce qu'elle pense à haute voix ou si elle se parle à elle-même ou si elle me parle vraiment à moi. Elle a l'air vraiment angoissée. Elle s'est rapprochée de moi. Si je peux faire quelque chose, il faut me dire hein. Bon, tant que je ne sais pas quoi faire, je reste attentif. Au cas où je repère un indice sur la marche à suivre. Sait-on jamais. Les jolies filles, ça fonctionne toujours avec des codes compliqués. « Et donc je… oh ! » Mince, elle a marché dans un de mes trucs à peinture. Merde alors, moi qui pensait être ordonné. Bruce va me tuer, je mets la vie de nos clients en danger! Quel mauvais employé je suis! « Ah non ! Aaah ! » Mauvais employé qui se retrouve bientôt adossé contre le mur de peinture fraiche avec une jolie blonde étalée sur le torse. Bon, je réfléchis deux secondes à la situation. Pourrait-elle être plus confortable? Oui, si le mur était sec... Mais chut Edvin! Ce n'est pas bien de penser comme ça! A cause de moi, la demoiselle est tombée. Heureusement que je l'ai récupérée. « Je… suis… vraiment désolée ! » « Non, c'est moi qui suis désolé, j'ai laissé ma peinture traîner n'importe où... » Allez Ed, un peu de volonté je te prie, il faut maintenant faire bouger la dame. Tu vas pas rester comme ça tout l'aprem quand même! Je sais que t'aimerais bien, mais on a pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Je me redresse donc, un peu à contrecœur, mais c'est la vie. « J'espère que vous n'en avez pas mis sur vos vêtements. » Ce serait dommage de devoir les enlever... Ou pas. Rah. Tais-toi vilain cerveau d'Edvin ou tu vas finir par être recruté pour rédiger les dialogues de films porno de seconde zone. Franchement. « Vous ne vous êtes pas fait mal? » J'ai encore la main sur son bras de l'avoir retenue. Non, je ne l'enlève pas. Mon cerveau a bloqué alors laissez-moi en paix. Je finis par la lâcher au bout d'un moment pour me retourner et constater l'état de mon mur. Tout à refaire. Je ne peux que deviner à quoi ressemble mon dos. Heureusement que j'ai un pantalon de rechange. Même si c'est un vieux truc tout pourri. « Bon, je vais devoir refaire tout ça... Mais je pourrais prendre une douche avant de m'y remettre? » Parce que la peinture, ça sèche, ça fait des croûtes, et ça risque de pas être super agréable de bosser avec ça... Alors oui, je demande une faveur à Mademoiselle McCorner. Parce qu'il y a des cas de force majeure dans la vie.

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Oops, sorry, I fell for you. Against, I said against you!

Dans les films, lorsqu’un personnage tombe, c’est toujours au ralentit. On a le temps de voir dans quoi il se prend le pied, on a le temps de voir la figure qu’il fait, on a le temps d’imaginer sa chute, on a le temps de le voir dégringoler, on a le temps de voir les gens autour se mettre à rire, et on a surtout le temps de voir son coup de cœur se prendre tous les restes de nourriture sur la tête. Dans les films, ça se passe toujours au ralentit. Ou alors à l’inverse très vite, mais dans ce cas ils disparaissent juste du champ de vision. C’est une autre façon de voir les chutes, tout aussi drôle. Moi, j’ai eu le droit à la première version de la chute. Gros ralentit, je me suis vu tombée comme si j’étais sortie de mon corps. Un peu bizarre comme expression. La seule différence c’est que nous étions deux et qu’il n’y avait pas de nourriture mais de la peinture. Seule différence. Et je n’ai jamais dit qu’il est mon coup de cœur ! … Je n’ai jamais dit non plus qu’il ne l’était pas. D’ailleurs, je n’ai rien dit à ce sujet ! Non mais ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit ! Enfin bref, j’étais venue pour lui demander s’il avait vu Aspen… et je me suis retrouvée plaquée contre lui. Oh… Elle serait tellement jalouse maintenant ! La dernière fois qu’elle regardait Edvin travailler, je lui ai demandé si elle n’avait pas un rendez-vous avec Tyler et elle m’a répondu « Tyler qui ? ». Avant de secouer la tête, de se racler la gorge et de me dire que si, j’avais raison. Elle l’aime son Tyler. Mais les hommes sont comme les tenues de grands couturiers, on aime les observer avec des yeux brillants en se disant qu’on aimerait avoir les mêmes, même juste pour une journée. « Je… suis… vraiment désolée ! » Je relève la tête vers lui – quelque peu gênée par tout ça et surtout par ma maladresse – et mes yeux s’attardent un instant sur ses lèvres quand il me parle avant de se perdre dans ses yeux. « Non, c'est moi qui suis désolé, j'ai laissé ma peinture traîner n'importe où... » Non, non, non. Je secoue la tête (enfin pas vraiment) je baisse les yeux mais c’est pire ! J’ai vu sur son torse musclé. Aaah ! Bon, j’essaye de me recoiffer… enfin les mèches qui s’échappent devant mes yeux du moins. « J'espère que vous n'en avez pas mis sur vos vêtements. » Je secoue bêtement et lentement la tête. « Huh huh… » Mes vêtements, dois-je vérifier mes vêtements ? « Vous ne vous êtes pas fait mal ? » Je vais bien, très bien. Je souris. Enfin disons que je tente un sourire. Ça doit probablement plus ressembler à une grimace. Oh je dois avoir l’air effroyable, effrayante alors que lui est… est comme un dieu scandinave ! Je baisse les yeux sur sa main qui tient mon bras. J’ai beau m’être imaginé des scénarios avec lui – bah oui quoi et puis Aspen m’a forcé ! – je ne m’étais jamais imaginé ce scénario. J’inspire profondément quand Edvin me lâche et se retourne. A croire que de rompre ce contact m’a permis de respirer à nouveau. Et mes neurones de… oh mais regardez-moi ce derrière ! Hm. C'est-à-dire qu’il vient juste de se retourner pour observer son mur et toute la peinture est son dos, ses fesses, son jeans… et mes yeux restent rivés sur son derrière qui – je le devine sous son pantalon – doit être musclé. Il n’est pas interdit, que je sache, de fantasmer sur de belles fesses musclées ! Tant que je garde ça pour moi (et pour Aspen) tout va bien.

« Bon, je vais devoir refaire tout ça... Mais je pourrais prendre une douche avant de m'y remettre ? » Pardon ? Ah ? Oh mince il s’est retourné vers moi. Je relève vite les yeux. Non je ne regardais pas vos fesses, que dites-vous, qu’insinuez-vous, c’est absurde ! Il veut prendre une douche ? Il veut avoir les fesses à l’air dans ma douche ? Oh… je vais être jalouse de ma salle-de-bain ! Je le regarde à nouveau, dans les yeux pas sur les fesses (oh qu’il est beau), et ah oui je dois lui donner une réponse. « Bien sûr pas de problème, je vais vous aider ! » J’ai dit ça dans un grand sourire, sur un ton très enjoué. Et j’ai piqué un fard en réalisant ce que je viens juste de dire. Mes yeux se sont agrandis, mon sourire s’est transformé en grimace. Et j’ai voulu disparaître sous le sol. « Enfin, hm… non… je… ce n’est pas ce que je… juste vous montrer la douche, le fonctionnement, je n’insinuais pas que je voulais vous… enfin… ohlala… » J’ai posé mes mains sur mes joues et je me suis sauvée en marchant très vite vers la salle de bain. Je suis idiote, idiote, idiote ! « Par ici. » Ai-je dit d’une toute petite voix. Il doit me trouver stupide en plus d’être maladroite maintenant. De toute façon, c’est sûr qu’il préfère Aspen. Je peux comprendre ça, elle est petite, mignonne, adorable (quand elle ne parle pas), brune, elle s’habille avec goût et ELLE NE CAFOUILLE PAS ! J’ouvre la porte de la salle de bain et lui désigne d’une main, sans même oser le regarder. Je me sens trop honteuse, que va-t-il penser de moi ? Je ne suis pas de ce genre de femmes. « Bien, hm, je vous laisse. »

Je referme la porte derrière moi en me cognant le front. Idiote, idiote, idiote ! Et puis je m’aperçois que j’ai oublié de lui donner une serviette. « J’ai oublié votre serviette ! » Ai-je hurlé en traversant le couloir pour en attraper une dans le placard et en revenant en trottinant vers la salle de bain. J’ai ouvert la porte à la volée en m’exclamant : « JE NE SUIS PAS CE GENRE DE FILLE !! » C’est de mieux en mieux, vraiment. « Ce que je veux dire c’est que je ne suis pas comme ça, jaaaaamaaaiiiis je n’irai insinuer que je veux vous aider à prendre votre douche ou prendre une douche avec vous, non, jamais ! Pff, huh, je ne suis pas comme ça. Pas avec vous. C’est absurde ! Non mais vous imaginez, vous et moi, moi et vous, dans la même douche ? RI-DI-CU-LE ! C’est n’importe quoi ! C’est vraiment n’imp…/ » Je me suis interrompue en le regardant. Je viens de m’apercevoir qu’en fait je n’arrange pas du tout les choses. En plus… est-ce que je viens juste de lui dire – implicitement – que je le trouve répugnant et qu’il me débecte ? Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! C’est faux ! Je veux prendre une douche avec lui ! Enfin non ! Enfin… « Je, hm, ferai mieux de vous laisser… » Cette fois-ci j’ai refermé la porte, levé les yeux vers le plafond, me suis mordue la langue et me suis traitée de tous les noms dans ma tête. Et puis juste après je suis allée directement dans la cuisine pour me sortir une bouteille de vin et un verre que j’ai bu d’une traite. Quelle gourde je fais !

Alice & Edvin

« J'espère que vous n'en avez pas mis sur vos vêtements. » « Huh huh… » Bon, apparemment, ses vêtements sont épargnés. Je n'ose pas imaginer combien ça coûte ces bêtises-là. Enfin, c'est pas des bêtises hein, c'est très joli! Mais bon, c'est pas comme mes vieux jeans achetés d'occasion. « Vous ne vous êtes pas fait mal ? » Elle sourit pour toute réponse et je lui rend son sourire, rassuré. Je n'ai pas blessé la princesse, tout va bien. Oui, la princesse, elle a quelque chose d'une princesse, Alice. Vous ne trouvez pas? Vous n'avez jamais du en croiser alors, des princesses. Blonde, toujours bien habillée, toujours bien maquillée, l'air délicate... Oui, certains diraient plutôt une Barbie, mais je vous assure. Elle a le port d'une princesse. Surement pour ça qu'elle cache la fontaine de jouvence. C'est son rôle de princesse. Mais si, sa mission que son père lui a donné, tout ça. Lisez des livres un peu!

« Bon, je vais devoir refaire tout ça... Mais je pourrais prendre une douche avant de m'y remettre ? » Je me retourne alors vers elle. Elle s'est perdue dans ses pensées? Le temps qu'elle revienne sur terre, et elle me répond. Certes, la demande peut paraître cavalière, mais franchement, c'est pas super cool d'être trempé de peinture. « Bien sûr pas de problème, je vais vous aider ! » M'aider? Elle rougit en réalisant ce qu'elle vient de dire. Non Edvin, ne sort pas de bêtises du genre que tu ne serais pas contre. Chut. Ne laisse pas la mauvaise influence de Tucker sur toi apparaître au grand jour. Et encore moins la mauvaise influence d'Arya. Quelle idée d'avoir des amis comme ça, on vous le demande. Ils m'ont ruiné ma décence pendant nos années de fac. Et je ne leur en tient même pas rigueur... J'suis trop gentil. « Enfin, hm… non… je… ce n’est pas ce que je… juste vous montrer la douche, le fonctionnement, je n’insinuais pas que je voulais vous… enfin… ohlala… » Elle pose les mains sur ses joues et je me voix obligé de lui courir après alors qu'elle fuit vers la salle de bain. Pas que je ne veuille pas la laisser tranquille, mais c'est pour moi qu'elle y va hein, pour me montrer où elle est. Non, je ne connais pas encore le plan de l'endroit. Surement parce que je n'ai à m'occuper que du salon. « Par ici. » Je lui souris alors qu'elle m'ouvre la porte de la salle de bain. Elle a vraiment l'air mal de m'avoir dis qu'elle m'aiderait. Ce n'est pas la mort. C'était même plutôt mignon comme cafouillage... Mais de toute évidence, Alice McCorner, n'est pas une habituée de ce genre de chose « Bien, hm, je vous laisse. »

« J’ai oublié votre serviette ! » Elle le crie de derrière la porte qu'elle vient de refermer. Ah, effectivement, ça pourrait être utile, une serviette. « JE NE SUIS PAS CE GENRE DE FILLE !! » J'attrape la serviette qu'elle me tend. Quel genre de fille? J'en connais pas beaucoup des genre de fille moi. « Ce que je veux dire c’est que je ne suis pas comme ça, jaaaaamaaaiiiis je n’irai insinuer que je veux vous aider à prendre votre douche ou prendre une douche avec vous, non, jamais ! Pff, huh, je ne suis pas comme ça. Pas avec vous. C’est absurde ! Non mais vous imaginez, vous et moi, moi et vous, dans la même douche ? RI-DI-CU-LE ! C’est n’importe quoi ! C’est vraiment n’imp… » Elle s'interrompt alors que je la regarde sans trop comprendre. Bon, j'ai compris, le message général hein. J'ai du mal à comprendre ce qui lui prend d'insister ainsi. Mais bon, au moins, je suis fixé maintenant, je ne suis pas homme assez bien pour la jolie blonde. Fais avec Edvin, passe à autre chose. Quand à ce qui est de l'imaginer avec moi dans la douche... Hum. On va éviter d'y penser maintenant. J'aurais bien besoin d'une douche froide au passage. Je ne trouve vraiment pas ça ridicule, mais euh. Bon. D'accord. Pas de nous deux dans une douche ailleurs que dans mon imagination. Tant pis. On ne peut pas vraiment forcer une fille à s'intéresser à nous hein... « Je, hm, ferai mieux de vous laisser… » Elle ferme la porte et je l'entends s'éloigner. Bon. Cet épisode est clos, atelier nettoyage maintenant. Heureusement qu'elles ont une brosse pour le dos les demoiselles, parce que je ne sais pas comment j'aurais fait pour virer toute cette peinture. Mais bon, je suis peinte, je sais gérer ce genre de petit désagrément, les risques du métier comme on dit.

C'est en sortant de la douche que je me rends compte que j'ai complètement oublié mes affaires de rechange, dans mon sac, au salon. Euh... J'ai déjà pensé à m'acheter un cerveau? Bien Edvin. J'espère que tu es fier de toi. Tu vas devoir traverser tout l'appartement à poil. Alors qu'il y a une jolie blonde qui n'a vraiment pas envie de te voir en tenue d'Adam. Serviette autour de la taille ou pas. Mais bon, j'ai pas vraiment le choix, à moins de rester toute ma vie dans cette salle de bain. J'attrape les coins de la serviette, la noue autour de ma taille et tient le nœud. Histoire d'être sûr que ça ne me lâche pas sur le trajet. Et c'est en sortant que je tombe sur Alice. Évidement. Ça aurait été vraiment trop facile si j'avais réussi à faire l'aller-retour sans me retrouver nez à nez avec elle. Je me passe ma main libre (celle qui ne tient pas fermement la serviette donc) dans mes cheveux d'un air légèrement gêné. « Je... euh... Je suis désolé, j'ai laissé mes affaires de rechange au salon, dans mon sac... » J'hésite un instant sur la conduite à adopter, et puis je me décide à passer à la contourner pour aller au salon récupérer mes affaires. C'est fou comme ce couloir est étroit. Je ne m'en étais pas rendu compte à l'aller... Allez du calme. Ne laissons pas nos hormones nous commander. Ce n'est pas comme si j'avais le choix en même temps, il faut bien que j'aille récupérer mon pantalon. J'aurais pu mettre l'autre pour aller chercher mes affaires, mais vu la tonne de peinture dessus, j'aurais juste réussi à me resalir et à mériter une deuxième douche. Du coup, je me trouve à moitié à poil dans l'appartement. A faire comme si de rien n'était. « Je me rhabille et je m'y remet tout de suite. » Vu qu'apparemment, de ce qu'elle a dit, ma compagnie n'est pas forcément très intéressante à ses yeux, j'vais éviter de m'imposer trop longtemps. On va vite repeindre tout comme il faut, et adieu la recherche de la fontaine de jouvence. Le programme est donc un retour à la salle de bain, un habillage et un retour au travail. Du nerf matelot!

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